Alger regarde enfin de l’autre côté du désert

Une rencontre entre patrons algériens et africains ? L’invitation est lancée. Il faut dire que, longtemps en retrait, les industries du pays veulent gagner des parts de marché sur le continent.

Condor Electronics (ici à Bordj Bou Arreridji) devrait exporter des produits finis vers le Soudan. © Sidali Djenidi pour J.A.

Condor Electronics (ici à Bordj Bou Arreridji) devrait exporter des produits finis vers le Soudan. © Sidali Djenidi pour J.A.

Publié le 23 mars 2015 Lecture : 4 minutes.

« Nous avons été absents du continent pendant trop longtemps, maintenant nous voulons reprendre notre place », affirme Brahim Benabdeslem, vice-président chargé des questions économiques du Forum des chefs d’entreprise (FCE), la principale organisation patronale algérienne. Début février, les chefs d’entreprise du pays ont envoyé un signal fort en ce sens en participant massivement au Forum franco-africain pour une croissance partagée à Paris. « À l’occasion de ce sommet, où l’Algérie était la délégation la plus importante, nous avons invité l’ensemble des patrons africains présents à un dîner et nous leur avons annoncé notre volonté de préparer une rencontre à Alger » les 9 et 10 octobre, annonce Brahim Benabdeslem.

« Un grand événement, organisé avec le soutien du gouvernement, pour débattre ensemble des voies et des moyens de lancer cette dynamique africaine », a précisé le président du FCE, Ali Haddad, le 21 février à Dakar, lors du 8e Forum des opérateurs pour la garantie de l’émergence économique en Afrique (Fogeca). À la tribune, le patron des patrons algérien a réaffirmé la volonté de son pays de jouer un rôle de premier plan au sud du Sahara. « Ce sommet de la Fogeca a été l’occasion de vérifier l’intérêt des pays du continent pour notre initiative, dont le thème sera « Investir en Afrique » », commente Brahim Benabdeslem.

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Objectif : atteindre 2 milliards de dollars d’exportations vers les autres États africains en  2020.

Le discours volontariste du FCE s’inscrit dans la droite ligne des appels du gouvernement à diversifier l’économie depuis la chute brutale des prix du pétrole. Il faut soutenir la production et augmenter les exportations, martèle-t-il. Or, avec 4,9 % de croissance annuelle pour 2015, selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), le continent offre de nombreux débouchés. « L’Afrique est le prolongement normal de l’Algérie », estime Brahim Benabdeslem, qui souligne les liens historiques entre les deux parties, au-delà des motivations économiques. « Notre pays est l’un des seuls au monde à avoir effacé les dettes des pays africains, sans contrepartie », rappelle-t-il.

Inexistante

Depuis les indépendances africaines, l’Algérie s’est progressivement retirée du continent jusqu’à devenir inexistante. Ses exportations hors hydrocarbures vers les pays subsahariens, principalement en Afrique de l’Ouest, avoisinent aujourd’hui 80 millions de dollars (71,5 millions d’euros), soit l’équivalent du Maroc il y a dix ans (les exportations du royaume en Afrique s’élevaient en 2013 à 1,4 milliard d’euros).

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« Nous avons abandonné le terrain mais maintenant nous l’investissons, il n’est jamais trop tard, pointe Laïd Benamor, nouveau président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci) et patron du groupe agroalimentaire Benamor. L’Algérie jouit aujourd’hui d’un leadership politique en Afrique – notamment grâce à sa médiation dans la résolution de paix au Mali et à son implication dans la crise au Sahel – qui doit lui permettre de s’affirmer sur le plan économique. » À l’horizon 2020, le FCE entend multiplier par dix le volume des exportations algériennes vers les autres États africains pour atteindre 2 milliards de dollars. Autant dire que le défi est grand.

Consolider

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« Quatre secteurs ont un fort potentiel à l’export : l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique, l’électronique et les services », souligne le vice-président du FCE. Ce sont donc les entreprises spécialisées dans ces domaines qui ont montré la voie hors des frontières du pays, tout d’abord en y commercialisant leurs produits, et dorénavant en investissant dans la construction d’usines. La Banque d’Algérie a en effet autorisé, depuis le 13 novembre, les entreprises algériennes à investir à l’étranger. Longtemps réclamée par le patronat, à l’instar d’Issad Rebrab, patron du géant de l’agroalimentaire Cevital, cette mesure est cependant limitée à des opérations visant à consolider l’activité principale des groupes.

Parmi les entreprises exportatrices d’Algérie, Cevital a annoncé dès 2013 sa volonté de se déployer en Afrique subsaharienne à travers des projets d’usines de sucre au Soudan et en Éthiopie et un partenariat d’investissement à Djibouti pour la réalisation d’un complexe agroalimentaire.

Un autre fleuron de cette industrie, le groupe de boissons NCA-Rouiba, est aussi entré dans la phase opérationnelle de sa stratégie de développement en Afrique. « Le projet de six unités de transformation de fruits au Bénin a été formalisé par la signature d’un contrat avec les autorités de ce pays fin octobre », indique Sabrina Bouheraoua, coordinatrice du développement. Courant mars, l’entreprise dirigée par Slim Othmani devrait soumettre une demande d’autorisation de transferts de fonds auprès de la Banque d’Algérie. Le groupe souhaite également en profiter pour exporter ses boissons dans les pays frontaliers, comme le Nigeria. « NCA-Rouiba veut faire partie des champions africains dans les quinze prochaines années », souligne Sabrina Bouheraoua.

Condor Electronics a quant à lui choisi le Soudan comme porte d’entrée du marché africain. Après la signature d’un protocole d’accord avec le groupe industriel local Giad en décembre, prévoyant l’exportation de produits finis Condor, le leader de l’électronique piloté par Abderrahmane Benhamadi envisage « la création d’un bureau de liaison et de chaînes de montage sur place en fonction du volume d’exportations réalisé en 2015 ».

Liste

À côté de ces géants nationaux, des PME déploient également une véritable stratégie africaine. Tel est le cas de l’entreprise familiale BMS Electric, qui exporte ses appareils et accessoires depuis déjà dix ans vers le sud du Sahara. « Nous avons un représentant dans une dizaine de pays africains et, chaque année, nous ajoutons un ou deux nouveaux pays à notre liste d’exportation », témoigne Abderazak Allali, le directeur marketing. Des paris réussis qu’Alger voudrait voir se multiplier.

Par Chloé Rondeleux, à Alger

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