Le plan Borloo pour l’électrification de l’Afrique, un projet en clair-obscur
Jean-Louis Borloo a la réputation d’être un homme brillant mais brouillon. Ses grandes ambitions africaines ne la démentent pas.
Jean-Louis Borloo est doué pour convaincre, séduire et aimanter autour de lui fidèles et personnalités publiques. L’ancien avocat d’affaires n’a pas failli à sa réputation en présentant le 3 mars son plan pour l’Afrique sous les ors de l’hôtel de Marigny. Et lorsque les questions sur son projet se font plus précises, il se montre fidèle à son image un peu brouillonne : il esquive ou balaie la question d’une formule définitive. Quels projets, où et comment ? « Les Africains décideront. »
L’électrification d’un continent où plus de 600 millions de personnes n’ont pas accès à cette énergie est, dit-il, un préalable au développement. Si le constat n’est pas nouveau, il est juste, admettent tous les spécialistes interrogés par « Jeune Afrique ». Mais d’où viendront les 50 milliards d’euros de subventions ? Pêle-mêle, il cite l’Union européenne, les membres de l’OCDE, les pays du Golfe… Des emprunts permettront ensuite d’atteindre les 200 milliards d’euros requis au total. Il s’agira aussi, pourquoi pas, d’absorber les initiatives en cours dans ce domaine.
D’où viendront les 50 milliards d’euros de subventions ?
Acteurs
Car Borloo ne débarque pas sur une terre vierge. Outre un programme de l’Union africaine (le Pida) et plusieurs fonds consacrés au développement des infrastructures, il y a le plan Power Africa de Barack Obama (26 milliards de dollars annoncés, soit environ 23 milliards d’euros) ou encore le Fonds vert de l’ONU, qui vient de recevoir 10 milliards de dollars de promesses de financement et estime être en mesure de réaliser ses premiers investissements dans le courant de cette année. « Il y a beaucoup d’acteurs sur ce terrain, qui commence même à être encombré, souligne une source très au fait de ces dossiers. Beaucoup de financements ne sont jamais mobilisés à cause de la mauvaise qualité des projets. Mais ce qui manque, ce n’est sûrement pas une agence de l’électrification ! »
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Cette dernière est censée être le coeur opérationnel du dispositif, mais pour l’heure, le plan Borloo se résume à une association baptisée Énergies pour l’Afrique, dont les très chics bureaux se trouvent rue de Penthièvre, dans le 8e arrondissement de Paris (prêtés par l’Élysée, ceux de l’hôtel de Marigny sont réservés aux rendez-vous « de prestige »). Une demi-douzaine de personnes, toutes bénévoles, s’y rencontrent régulièrement entre deux voyages du chef. Les loyers, billets d’avion et frais divers sont financés, assure ce dernier, par une poignée de contributeurs privés. Une « fondation » serait aussi en cours de création, mais ce type de structure est très réglementé et nécessite une mise initiale de 1,5 million d’euros. « Il s’agira plutôt d’un fonds de dotation, une formule plus souple, corrige Alain Mamou-Mani, ami de trente ans de Borloo et secrétaire général d’Énergies pour l’Afrique. Il servira uniquement à financer l’association. Tout le reste de l’argent, c’est l’agence de l’électrification qui le lèvera et le recevra directement. »
Fulgurances
Celle-ci regroupera une centaine d’experts et aura son siège « sur le continent ». Elle sera dirigée par une « personnalité africaine de premier plan » que Borloo s’efforce actuellement de recruter. Son rôle et ses prérogatives restent flous. « Est-on dans la facilitation, dans la politique publique ou dans l’investissement ? Cela reste tellement vague… » commente une source parisienne, qui voit Borloo comme « un homme de bonnes intentions, capable de fulgurances mais très désorganisé ». « Personne n’a d’idée précise des contours, renchérit, sans malveillance, un autre interlocuteur. Il semble que, dans leur esprit aussi, ce soit encore très flou. Ils avancent avec le nom de Borloo, des bureaux en partie prêtés et un statut juridique pas encore complètement défini. Difficile de dire si l’opération aboutira ou si elle n’est qu’une séquence de communication. »
Souvent raillé pour son inconstance lorsqu’il faisait de la politique, l’intéressé s’en défend. Il ne briguera, jure-t-il, aucun mandat opérationnel et se définit comme un « impulseur ». Preuve de son implication, il se serait néanmoins engagé à accompagner pendant trois ans le directeur de la future agence. Mais on saura bien avant si le projet est une réussite ou un échec. Borloo se donne jusqu’à la fin du mois de juin pour créer l’agence, avant qu’elle ne soit adoubée par les Nations unies lors du sommet mondial sur le climat, en décembre à Paris. Ces quelques mois ne seront certes pas inutiles pour éclairer – si l’on peut dire – les contours du projet.
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