Fatoumata Diawara, artiste sans frontières
À l’affiche de plusieurs films, la Malienne Fatoumata Diawara est aussi une chanteuse reconnue. Rencontre à Ouagadougou.
Pour Fatoumata Diawara, qui n’a d’ailleurs jamais vraiment connu de période creuse au cours de sa carrière, les douze mois qui viennent de s’écouler furent bien remplis. Et on ne peut plus gratifiants. Deux longs-métrages – Timbuktu et Morbayassa – comme actrice, plusieurs musiques de film dont celle de Soleils, de Dani Kouyaté, toute une série de concerts avec le pianiste cubain Roberto Fonseca en attendant la sortie, le 21 avril, d’un enregistrement live réalisé lors du dernier festival de Marciac, et une chanson interprétée en prime time et en direct à la télévision française lors de la soirée des césars.
Rencontrée dans le jardin de sa maison dans les faubourgs de Ouagadougou, lors du Fespaco, Fatoumata Diawara était déjà en partance, cette fois pour un concert en Europe. Ce qu’elle regrettait un peu : elle aurait préféré rester quelques jours de plus dans la capitale burkinabè pour soutenir Abderrahmane Sissako, le réalisateur de Timbuktu, qui présentait pour la première fois son film en Afrique.
Parlant avec passion, de cette voix douce aux accents graves qu’on a du mal à imaginer si puissante sur scène, l’actrice-chanteuse raconte volontiers, sans retenue, un parcours d’artiste aux multiples talents. Ce n’est ni comme actrice ni comme chanteuse, explique-t-elle, qu’elle a commencé à s’exprimer, mais comme une enfant rebelle qui, à Abidjan, où elle vivait avec ses parents maliens, ne cessait de danser.
Réfractaire à l’école, elle venait à peine de fêter ses 10 ans quand sa mère décida de l’envoyer chez sa tante, à Bamako. Laquelle tante était comédienne et l’emmena avec elle sur les plateaux pour garder son petit cousin. À peine sortie de l’enfance, Diawara était dotée d’une telle personnalité qu’elle se fit remarquer par le réalisateur Adama Drabo, qui l’engagea pour jouer dans sa fable féministe Taafe Fanga…
Antigone
L’année suivante, on la retrouve, à 15 ans, en haut de l’affiche avec Sotigui Kouyaté et Salif Keita dans La Genèse, du cinéaste malien Cheick Oumar Sissoko. Et bientôt dans le très beau Sia. Le rêve du python, deuxième long-métrage de Dani Kouyaté. Depuis, elle n’a plus jamais arrêté le cinéma et le théâtre. À la fin des années 1990, elle joue dans Antigone, aux Bouffes du Nord (Paris), avant d’être engagée par la célèbre troupe de cirque de rue Royal de luxe, où elle reste six ans.
Pour communiquer avec sa grande soeur décédée, elle créé des sons qui accompagnent ses larmes.
Puis elle sera la sorcière dans la comédie musicale Kirikou et Karaba. Et la musique ? Là encore, tout vient de l’enfance, de ce moment terrible où elle perd sa soeur aînée Awa, qu’elle considérait comme sa jumelle, morte subitement à l’âge de 7 ans. Pour combler le manque et continuer de communiquer avec sa soeur, elle crée des sons et chante des mots qui accompagneront ses larmes. Plus jamais elle ne cessera.
Jusqu’à le faire de façon professionnelle pour Antigone, puis pour un spectacle de Royal de luxe, qui lui donne l’occasion de composer et d’interpréter en public son premier titre. Les spectateurs ne comprennent pas les paroles en bambara, la seule langue dans laquelle elle veut chanter, mais disent qu’ils ont entendu son âme… Comédienne reconnue, auteur-compositeur-interprète qui remplit les salles et inspire des pointures comme Dee Dee Bridgewater, Herbie Hancock ou, aujourd’hui, Roberto Fonseca, la superbe Fatoumata Diawara vit, ainsi qu’elle le dit, "comme un oiseau".
Son mari à Ouagadougou, sa famille au Mali, son travail en Europe ou ailleurs, elle a parfois l’impression de partager son existence "avec son téléphone". Heureusement, elle compose volontiers en voyage, utilisant les bruits des avions et des trains pour imaginer ses mélodies.
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