ÉTATS-UNIS Les « mipsterz » débarquent en ville
Elles sont jeunes, croyantes et fans de mode. Sans complexe, elles associent hijab et talons aiguilles. Leur surnom est une contraction de « muslim » et « hipster ». À vos souhaits !
Comment concilier religiosité et frivolité ? Ce tour de force a été accompli par les "mipsterz", contraction peu évidente des mots "muslim" ("musulman") et "hipster" ("branché"). Ce mouvement, encore embryonnaire, des branchés musulmans a été lancé en 2012 par de jeunes Américaines désireuses de briser le stéréotype du hijab, symbole d’oppression et d’archaïsme. Son véritable acte de naissance a été une vidéo postée début décembre 2014 sur YouTube dont les journaux américains ont aussitôt fait leur miel. Sur fond de Somewhere In America, du rappeur Jay-Z, on y voit douze jeunes filles, voilées certes, mais chaussées de talons hauts et vêtues de manteaux de fourrure, en train de faire du skate ou de la moto, voire de couper du bois. Buzz garanti !
"Parce que je porte le hijab, j’ai souvent été perçue comme docile, soumise et arriérée", confie Yasmin Chebbi, l’une des "mipsterz" de la vidéo, au site web The Daily Beast. Hajer Naili, l’une de ses "consoeurs", explique que le but est de montrer des jeunes femmes émancipées, qui respirent la confiance en elles et le succès – valeurs très américaines -, tout en portant le voile. "L’islam n’est pas une religion monolithique. Ses fidèles sont des individus à multiples facettes, qui s’habillent et vivent leur religion comme ils l’entendent."
Bling-bling
La vidéo ne fait pourtant pas l’unanimité dans une communauté encore traumatisée par le meurtre de trois de ses membres, dont deux soeurs portant le voile, par un déséquilibré en Caroline du Nord. Certains accusent les "mipsterz" de ne pas s’habiller comme de vraies musulmanes, d’autres critiquent le côté un peu bling-bling du clip.
Dans l’enclave musulmane d’Astoria, dans le quartier du Queens, à New York, le mouvement n’a en tout cas pas encore pris : pas le moindre "mipsterz" à l’horizon ! Est-ce à cause du froid encore vif ? Dans la boutique Islam Fashion, sur Steinway Street, la vendeuse venue du Pakistan avoue n’en avoir jamais entendu parler, mais insiste pour nous montrer une pièce qu’elle croit pouvoir nous intéresser : un hijab à imprimé léopard !
Mais l’important n’est pas là. Pour Sandra Shamy, 29 ans, blogueuse de mode à Los Angeles, la vidéo a d’ores et déjà atteint son but : "briser les barrières derrière lesquelles les musulmanes se retranchent souvent parce qu’elles ne sont pas toujours acceptées par la société américaine". Et Hajer Naili d’enfoncer le clou : "Nous ne sommes pas des opprimées, mais des femmes libres et éduquées. Cette vidéo est la preuve que nous pouvons être musulmanes, vivre aux États-Unis, nous habiller selon nos croyances et être en harmonie avec nous-mêmes et notre Créateur."
Aux dernières nouvelles, la première agence de mannequins musulmanes vient d’ouvrir ses portes aux États-Unis…
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