Électrochoc

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 23 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Treize ans après l’attentat contre la synagogue de la Ghriba, à Djerba (19 morts, dont 14 touristes, lire pp. 10-14), la tragique attaque contre le Musée du Bardo, à Tunis, ce 18 mars, fragilise un peu plus un pays qui, déjà, marchait sur un fil. Nous l’avons maintes fois répété dans ces colonnes : si, comparée aux autres "Printemps arabes", l’expérience démocratique tunisienne est méritoire, le plus dur demeurait à venir. Car si, en un peu moins de quatre ans, la Tunisie a su se doter d’une Assemblée nationale et d’un président élus en toute transparence et rédiger la Constitution la plus moderne du monde arabe, les défis qui restent à surmonter sont nombreux et complexes : pouvoir fragile car sans réelle expérience ; profondes divergences entre partis ; faiblesse de l’État ; économie exsangue, réformes en berne et front social en ébullition permanente ; société en quête de repères et fracturée (entre islamistes et laïcs, habitants du littoral et ceux de l’intérieur, jeunes et vieux, hommes et femmes, etc.) ; crise libyenne…

Le drame du Bardo peut constituer un électrochoc salvateur.

En dépit des condamnations et des déclarations de soutien d’usage, l’attentat du 18 mars aura de lourdes conséquences liées à la défiance que va désormais inspirer la Tunisie aux investisseurs, aux touristes et aux enfants du pays eux-mêmes. Pour les Aqmi, Daesh et autres Ansar al-Charia, elle est une cible privilégiée et le restera. Elle l’est aussi pour tous ceux qui rêvent de mettre à bas le rêve à peine esquissé d’un pays arabe moderne, démocratique, uni et stable, loin, très loin de ces sinistres caricatures que sont les dictatures plus ou moins militaires et les tyrannies moyenâgeuses des fous d’Allah. Mais s’attendre au pire n’empêche pas de préparer le meilleur. Au contraire. Le drame du Bardo peut constituer un électrochoc salvateur. À condition qu’on veuille bien se poser les bonnes questions afin d’apporter aux maux évoqués plus haut des réponses convenables. La classe politique dans son ensemble n’a d’autre choix que de mettre de côté ses querelles et d’accélérer les réformes. Le gouvernement doit asseoir son autorité et se mettre au travail, alors que ses prédécesseurs n’ont fait que gérer les affaires courantes et que lui-même a perdu de précieuses semaines dans les péripéties ubuesques de sa mise en place. Sans doute devra-t-il commencer par prendre des mesures adéquates en matière de sécurité et de renseignement, face à une menace terroriste certes difficile à endiguer (le risque zéro n’existe pas) mais dont on peut estimer que tout n’est pas fait pour la combattre efficacement. L’aéroport de Tunis-Carthage est une passoire, les institutions et les sites touristiques sont mal protégés, et les moyens alloués aux services de sécurité notoirement insuffisants.

la suite après cette publicité

>> Lire aussi : Attentat de Tunis : quel impact sur le tourisme

Enfin, les partenaires sociaux, syndicats en tête, seraient bien inspirés de refréner leurs ardeurs contestataires en attendant que la situation économique s’améliore. Il sera temps alors de s’asseoir autour d’une table pour discuter d’un partage plus équitable des fruits de la croissance. Inutile enfin de rappeler les citoyens à leurs devoirs civiques – payer ses impôts, par exemple. Ni d’insister en ces temps troublés sur le besoin de solidarité et de vigilance. Mais la Tunisie a aussi besoin d’être aidée. La communauté internationale, en particulier les bailleurs de fonds et les prétendus "frères arabes", ne peut plus se contenter de promesses, de déclarations angéliques et de visites de soutien expédiées en quelques heures. Il faut du concret, en espèces sonnantes et trébuchantes, en matériel, en formation, en ressources humaines et en renseignements. C’est le moment ou jamais.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires