« Gospel Journey » : Faada Freddy à la folie
Sans instruments, armé de sa seule voix et de son corps, le chanteur du groupe Daara-J ose un premier album solo percutant.
Magnétique Faada Freddy ! Avec son costume cintré en velours et son chapeau melon, installé au fond d’un canapé du Pachyderme, café parisien situé aux abords de la place de la République, il cultive la nonchalance du dandy, débarrassé des oripeaux de la prétention. "Le partage, le mélange d’humanités, ce sont les seules valeurs de cet album." La phrase peut sembler téléphonée, alors que le chanteur sénégalais assure la promotion de son album Gospel Journey.
On le croit pourtant sur parole, parce que les actes parlent pour lui : n’a-t-il pas raccompagné son public du Trianon, en novembre 2014, jusque dans une rame de métro ? Il fallait voir cette foule joyeuse grossissant de station en station à mesure qu’avançait le train et qui chantait avec lui…
Freddy a été formé aux sons soul et jazz
Faada Freddy – de son vrai nom Abdou Fatha Seck – a le succès modeste et la quarantaine heureuse : "J’avais tellement hâte d’avoir cet âge", assure-t-il avec un sourire. L’homme ressemble à son album, exigeant, généreux, sincère, accompli. Difficile d’aller plus près de lui-même… Pas de fioritures sur les onze titres du disque, construits sur une contrainte surprenante. Aucun instrument, pas de boîte à rythmes, seulement une voix unique, douce ou rocailleuse, et des percussions corporelles.
"Human Beatbox", "Body Percu", Freddy a été formé aux sons soul et jazz qu’écoutaient ses parents, à Dakar. Marcus Millerright; padding-left: 20px;" />, Nina Simone, Billie Holiday l’ont bercé comme les chants sérères du Sine-Saloum. Son père, sévère professeur saint-louisien, n’a pourtant guère apprécié que son fils se dirige vers la musique – il l’imaginait plutôt en comptable ! Peu importe, le garçon têtu a suivi le chemin de ses envies et a vite été repéré au-delà de la médina, où l’accompagnait déjà toute une bande d’adeptes. Damon Albarn, Peter Gabriel, Wyclef Jean, Mos Def, les Rita Mitsouko ou Bernard Lavilliers l’ont accueilli en première partie de leurs concerts ou en invité.
Une curiosité sans bornes rend son album précieux à plus d’un titre. Les références y sont vastes comme le monde : chants zoulous, haka néo-zélandais… côtoient des reprises de morceaux punk ("Generation Lost", de Rise Against) ou folk, avec une sublime version de "Truth" de l’Américain Alexander Ebert (Ima Robot, Edward Sharpe and the Magnetic Zeros). "Plus je me fixe sur des dogmes, plus je suis coincé", explique l’artiste.
Autodidacte, il lui a fallu "tout réapprendre". "J’étais nul en musique, dit-il. Or c’est un langage." Aujourd’hui, il a cessé de fonctionner seulement à l’instinct et s’imprègne d’ailleurs, portant un regard assez critique sur les artistes sénégalais. "Il faut qu’on bosse, soutient-il. Je ne parle pas de produire une musique mondialisée, mais de nous ouvrir davantage, de rendre notre univers compréhensible." Sa langue maternelle, le wolof, ne pouvait être mieux sublimée que dans ses chansons organiques, comme il ne pouvait rendre meilleur hommage à son groupe de hip-hop basé à Dakar, Daara-J, qu’avec la reprise de l’un de leurs titres cultes, "Borom Bi".
Loin d’être un agglomérat savant, ce premier album solo est d’écoute facile. Envolées gospel, chorus ragga et références hip-hop s’entremêlent, rappelant que c’est avec Daara-J que Faada Freddy a fait ses armes, à Dakar, et qu’il n’entend pas renoncer à se produire avec son binôme. Mais pour cette fois, il avait besoin d’un peu de liberté. "Pour un temps, affirme-t-il, je voulais me débarrasser des instruments et aller vers quelque chose d’organique qui me rapprocherait de la transe du gospel."
Gospel Journey, de Faada Freddy, Thinkzik
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