RDC : « Virunga », au-dessous du volcan
Un long-métrage diffusé sur Netflix et nommé aux oscars revient sur les comportements douteux d’une firme pétrolière dans le parc naturel des Virunga, en RD Congo.
Jamais le drame qui menace la conservation du parc national des Virunga (RD Congo), classé au patrimoine mondial de l’Unesco, n’avait trouvé un tel écho. La nomination aux oscars du film Virunga, produit par Leonardo DiCaprio, a propulsé à l’avant-scène l’enjeu éminemment politique de l’exploitation du pétrole au coeur du dernier refuge des gorilles de montagne. Une chance inespérée pour les gardes du parc et leur directeur, Emmanuel de Merode, qui se battent au quotidien pour préserver ce réservoir de la biodiversité.
Le film, qui fait montre d’un militantisme assumé, propose une balade entre documentaire animalier et journalisme d’investigation. Les images d’archives nous transportent du Congo de Léopold II, en 1885, à la prise de Goma par le groupe armé M23, en 2012, une histoire au cours de laquelle les richesses naturelles du pays ont fréquemment été convoitées et pillées par des intérêts étrangers. Entre scènes de guerre et plans bucoliques, on comprend que le parc n’a pas qu’un seul ennemi : la compagnie pétrolière Soco International ; les groupes rebelles, qui veulent leur part du gâteau ; et le gouvernement congolais, qui ferme les yeux.
Le travail d’investigation de la journaliste française Mélanie Gouby est au centre de la trame narrative. Armée d’une caméra cachée, elle a enregistré les déclarations compromettantes de représentants de Soco International sur le terrain. "La meilleure solution effective pour tout le monde, c’est qpadding-left: 20px;" alt="" src="https://www.jeuneafrique.com/photos/032015/017032015152152000000JA2827p073.jpg" />u’on recolonise ce pays. […] Ils sont incapables de se gérer eux-mêmes. Ce sont comme des enfants", lance l’un d’eux, filmé à son insu lors d’un dîner au restaurant. Des propos grossiers qui relèvent du racisme tout sauf déguisé et qui convainquent de la mauvaise foi de la compagnie pétrolière dans ce dossier. Au sujet de la conservation des gorilles de montagne, principal enjeu du film, un autre lance même : "Who gives a fuck about a fucking monkey!" ("qui en a quelque chose à foutre de ces putains de singes !").
Soco International, compagnie britannique enregistrée au London Stock Exchange, a obtenu du gouvernement congolais une concession dont la moitié se trouve à l’intérieur des limites du parc des Virunga. La loi congolaise ne permet pas l’exploitation du pétrole dans cette réserve naturelle, ce qui n’a pas empêché la compagnie d’y mener des travaux d’exploration pendant plusieurs mois. Le gouvernement congolais détient le pouvoir de protéger ou non le parc des Virunga. Pourtant, il brille par son absence tout au long du film.
D’autres scènes de caméra cachée nous plongent dans les méandres de la corruption, modus operandi de Soco International pour faciliter son accès aux richesses du parc. Rodrigue Katembo, l’un de ses 400 gardes, se voit offrir des milliers de dollars en échange de sa collaboration. Et il n’est pas le seul. Avant le lancement du film, Katembo a dû s’exiler avec sa famille à Nairobi, au Kenya, pour assurer sa sécurité. Signe d’un climat de tension extrême.
Virunga est donc beaucoup plus qu’un film sur la protection des gorilles. Au-delà de la bande-annonce aux accents hollywoodiens, ce documentaire d’une rare puissance raconte le rôle crucial du parc au centre d’une communauté fragilisée par plus de vingt années de conflits armés. Soco International a bien entendu nié l’illégalité de ses activités, les allégations de corruption, de même que toutes opérations au sein de l’habitat naturel des gorilles. En France, le film a été lancé dans le plus grand anonymat : il n’est disponible que sur Netflix, plateforme qui lui aura donné une vitrine sur la scène internationale.
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