Réforme territoriale en RDC : découper pour mieux régner
Prévue depuis près de dix ans, la réforme territoriale a enfin été lancée. Suspecté de nourrir des ambitions présidentielles, le gouverneur de la province du Katanga en est la première victime.
Après la polémique du recensement, celle de la réforme territoriale ? En janvier, le gouvernement congolais avait suscité une violente opposition en tentant de faire d’un recensement administratif très complexe un préalable à l’élection présidentielle (finalement fixée à novembre 2016). Dans ce tourbillon de débats et de manifestations, l’adoption d’une loi majeure était passée inaperçue : le découpage des provinces. Voilà que celle-ci suscite à son tour une suspicion, devenue systématique, de la part de l’opposition.
À première vue, la création de 26 nouvelles provinces (au lieu des 11 actuelles) paraît pourtant de bon sens. Dans le deuxième pays le plus vaste du continent, dont les routes sont souvent impraticables en milieu rural, rapprocher les autorités des habitants est une nécessité. Il y a une décennie, cette mesure avait d’ailleurs fait consensus dans la classe politique, au point d’être intégrée dans la Constitution de 2006… et laissée en jachère depuis.
Plus que le découpage lui-même, c’est en fait le "timing" qui pose problème. La loi, votée en janvier par le Parlement, a été promulguée par le président Joseph Kabila le 2 mars, soit trois jours après une rencontre avec Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga (Sud-Est). Le rendez-vous avait "tourné à la franche explication", selon l’entourage de ce dernier. Depuis quelques mois, les relations entre les deux hommes se sont en effet fortement dégradées, Kabila suspectant Katumbi d’avoir des ambitions présidentielles. Or la réforme territoriale aura – entre autres – pour conséquence de faire disparaître l’actuel poste de Katumbi en même temps que le Katanga, divisé en quatre provinces. Il en a pris acte le 7 mars en faisant des adieux très médiatisés aux Katangais, à Lubumbashi.
Scénario du calendrier électoral décalé
En outre, cette réforme complexe doit être mise en oeuvre dans un calendrier déjà très chargé. Les élections provinciales et surtout municipales, urbaines et locales, qui seront une grande première, doivent être organisées le 25 octobre, et nombre d’observateurs jugeaient déjà hautement improbable le respect de cette échéance. Légalement, le découpage doit prendre quatre mois au maximum, soit jusqu’à mi-juillet, seulement trois mois avant le scrutin de tous les dangers. Mais "il n’est pas certain que le délai légal soit strictement respecté", reconnaît un expert du dossier au ministère de l’Intérieur. Sans compter que plusieurs des nouveaux chefs-lieux – pour certains, des villes moyennes assez reculées – ne disposent pas des infrastructures pour accueillir les nouvelles administrations provinciales.
Du coup, le spectre du "glissement" ressurgit, ce scénario qui verrait le calendrier électoral être décalé et le chef de l’État prolonger son mandat à la tête du pays, faute d’élection présidentielle organisée dans les temps… Reste que, contrairement au projet de recensement, ce découpage relativement populaire suscite pour l’instant peu de contestation. "Il faut attendre de voir s’il y aura une réaction des habitants du Katanga, assure un cadre de l’opposition à Kinshasa. Ils donneront le ton au reste du pays." Avec ses groupes armés et son gouverneur rebelle, cette riche province dotée d’une identité forte n’a pas fini de donner du fil à retordre au pouvoir central.
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