Le Congo de papa ?
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 15 mars 2015 Lecture : 2 minutes.
Tonton Alexander De Croo est un Belge flamand né en 1975. Depuis novembre 2014, il est vice-Premier ministre et ministre de la Coopération au développement. Et puis, ce tonton a un humour caustique hérité de son père, l’oncle Hermann De Croo, pince-sans-rire devant les hommes, député depuis 1968. Pour les non-initiés, les Belges, anciens colonisateurs, sont les tontons des Congolais.
Tonton Alexander De Croo était à Kinshasa fin février. À la presse médusée, il a tenu ces propos, en flamand : "La situation dans laquelle nous nous trouvons, avec son lot d’arrestations, de justice arbitraire et d’interruption de l’internet mobile et du trafic des SMS, n’est pas tolérable. Nous ne pouvons accepter le statu quo des dernières semaines en République démocratique du Congo."
Tonton De Croo n’a fait que de l’humour, cet humour dont nos tontons et tantines belges ont seuls le secret. Mais cela n’a pas plu, et je le comprends, à messire Lambert Mende Omalanga, ministre congolais de la Communication et des Médias. Il a vu rouge et enfourché sa belle plume pour rabattre le caquet au téméraire tonton. Je cite : "Votre discours […] témoigne en effet d’une méconnaissance du fait que le monde a changé depuis l’indépendance de notre pays, en 1960, et que les fictions infantiles de Tintin au Congo sont passablement dépassées, comme grille de lecture des faits et des idées." L’incorrigible tonton De Croo n’a pas tenu compte de l’ire de messire Mende, qui lui reprochait son manque de "diplomatie". À Bruxelles, il a dit à la presse : "Je ne suis pas diplomate, je suis ministre", CQFD.
Cette histoire me rappelle tonton Karel De Gucht, ex-ministre belge des Affaires étrangères, puis commissaire européen chargé de l’aide au développement et de l’action humanitaire. En avril 2008, à Kinshasa, il avait dit à Joseph Kabila : "Il y a beaucoup de corrompus autour de vous." En décembre 2009, devant le Parlement européen, il ne voyait pas pourquoi l’Union européenne devait continuer à verser une aide humanitaire importante à la RD Congo, pays où "vous n’avez pas en face de vous des interlocuteurs politiques appropriés". Pour lui, la RD Congo n’était qu’un "énorme gâchis, un pays où presque tout est à refaire, à commencer par la reconstruction de l’État, dont l’absence est au coeur du problème". Début 2010, tonton De Gucht fut déclaré persona non grata en RD Congo.
Ce qui m’embête, c’est que priver d’internet des millions de Congolais est, effectivement, une atteinte aux libertés individuelles.
Tonton De Croo, pour revenir à lui, est-il un Tintin au Congo qui se serait trompé de siècle ? Je n’en suis pas convaincu. En 2010, Jeannette Kavira Mapera, ministre de la Culture, justifiait ainsi la bande dessinée d’Hergé : "À cette époque-là, décrite dans l’ouvrage, effectivement, pour remettre le Congolais au travail […], il fallait utiliser le bâton. Aujourd’hui encore, dans certains milieux, il faut y aller par des méthodes fortes."
Le Congo a-t-il changé depuis l’indépendance ? En 1960, il y avait déjà les Casques bleus de l’ONU comme aujourd’hui. Et la Belgique continue à aider, à financer des projets de développement. La souveraineté du Congo est en miettes depuis longtemps. Quand on est assisté, nul besoin de faire le malin ou le matamore.
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