Burundi : l’Église catholique s’oppose à la candidature de Pierre Nkurunziza à la présidentielle
Alors que se profile la présidentielle en juin prochain, l’opposition à une éventuelle candidature du président sortant Pierre Nkurunziza a reçu le renfort de l’Église burundaise. Celle-ci se pose encore un peu plus comme un opposant de poids au chef de l’État actuel.
Dimanche 29 mars, l’église de Kiryama, en haut de la colline burundaise éponyme, a été le théâtre d’une nouvelle déclaration d’un dirigeant de l’Église burundaise, l’archevêque de Gitega (centre), Simon Ntamwana, contre une candidature de Pierre Nkunrunziza à la présidentielle prévue en juin 2015.
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Monseigneur Ntamwana a utilisé l’Ancien Testament pour formuler son message, évoquant deux rois juifs : Sédécias, qui, "en courant derrière les richesses", a conduit Jérusalem à sa perte, et Cyrus, qui, se souvenant de "l’amour de Dieu", a ramené la "bénédiction divine". "On ne peut pas choisir d’autres voies que celles de l’amour, (…) du respect mutuel, (…) que celles qui passent par le respect des principes qui dirigent notre pays", a-t-il lancé aux fidèles réunis.
Quelques jours plus tôt, l’Église catholique burundaise avait officiellement pris position dans le débat. Jugeant limpides les accords de paix d’Arusha, qui avaient ouvert la voix à la fin d’une longue guerre civile, et la Constitution, elle a invité les "politiciens" à ne pas interpréter les textes "avec malignité, juste pour préserver leurs propres intérêts".
L’Église burundaise est-elle un opposant historique ?
"Les évêques sortent rarement de leur réserve sur le terrain politique", explique Innocent Muhozi, figure de la société civile. Mais "dans toutes les grandes crises que l’on a eues, l’église catholique a joué un rôle plutôt positif. Chaque fois que l’État devenait fou, l’Église essayait de tempérer".
En 1972, elle a ainsi condamné, pas assez ouvertement cependant pour certains observateurs, les massacres interethniques et la répression de l’élite hutue. Pendant la guerre civile (1993-2006) encore, l’Église a dénoncé le coup d’État contre le premier président élu du pays, Melchior Ndadaye, puis les tueries qui ont suivi.
Elle y perdra notamment un archevêque : celui de Gitega, Joachim Ruhuna, tué en 1996 par la rébellion hutue qu’était alors le Cndd-FDD, après avoir condamné le massacre de centaines de réfugiés tutsis. Sept ans plus tard, le nonce apostolique Michael Aidan Courtney tombe à son tour dans une embuscade après avoir rencontré les autorités religieuses, politiques et militaires du pays.
Mais c’est dans les années 80 que l’Église s’engage le plus ouvertement. Elle est alors opposée au président putschiste Jean-Baptiste Bagaza, qui l’accuse de saper son autorité et tente de réduire son influence en lui interdisant d’enseigner ou de dire la messe en semaine. Elle contribue à la chute de Jean-Baptiste Bagaza dans le coup d’État de 1987.
"L’Église catholique a toujours été en conflit avec le pouvoir, sauf probablement sous (Pierre) Buyoya", successeur de Bagaza, qui avait compris qu’il fallait avoir "de bonnes relations avec l’Église", poursuit Julien Nimubona.
Quel peut-être son poids ?
Très attendu, le positionnement de l’Église a causé "un dommage immense" au camp présidentiel, de l’aveu même d’un cadre du parti au pouvoir (Cndd-FDD). "L’Église catholique, c’est entre 75% et 80% de la population, donc c’est une force sociale, une force d’influence", explique Julien Nimubona, professeur de sciences politiques.
Quel sera son influence concrète ? "On verra", dit-il, soulignant que l’électorat burundais, "plutôt communautariste", réagit aussi en fonction "d’autres logiques", notamment de "peur", de "régionalisme" ou de problèmes de "chômage" et "d’emploi".
Comme Gitega, la province voisine de Karuzi, qui abrite l’église de Kiryama dans la commune de Shombo, est un fief Cndd-FDD. Mais les évêques semblent avoir été entendus. L’Église, je la soutiens", lance Longin Ciza, agriculteur. Routes bitumées, écoles gratuites… il salue le travail de Pierre Nkurunziza depuis son accession au pouvoir en 2005, mais lui conseille de se retirer. "Quand vous travaillez pendant dix ans (…), si vous continuez, vous risquez de tout gâcher", lâche-t-il.
(Avec AFP)
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