Tunisie : la marche républicaine du Bardo de dimanche déjà controversée
Le président Béji Caïd Essebsi a appelé tous les Tunisiens à venir marcher contre le terrorisme dimanche 29 mars. D’abord plébiscitée par une grande partie de l’opinion, l’évènement à venir est de plus en plus sous le feu des critiques.
Une grande marche républicaine contre le terrorisme aura lieu ce dimanche 29 mars à Tunis. Le cortège partira de Bab Saadoun et empruntera l’avenue du 2 mars pour arriver au musée du Bardo, lieu de la tragédie du 18 mars. Le gouvernement tunisien pourra compter sur la présence d’officiels et de chefs d’États étrangers, dont le Français François Hollande, le Palestinien Mahmoud Abbas, l’Italien Mattéo Renzi, le Polonais Bronislaw Komorowski ou encore le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal. L’objectif de cette initiative est « d’exprimer la volonté de la Tunisie à combattre le terrorisme », a déclaré le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, le 25 mars, lors d’une allocution télévisée. Il espère surtout regagner le cœur des Tunisiens, à une période où les indicateurs ne sont pas au beau fixe.
L’annonce de la marche a d’abord déclenché un élan populaire. Les Tunisiens ont commencé à préparer activement l’évènement, notamment à travers les réseaux sociaux. En effet, les hashtags de soutien ont pullulé et les pages Facebook dédiés à l’évènement ont fleuri. Cette agitation semblait annoncer un grand rassemblement. Mais y aura-t-il dimanche la même ferveur qu’après l’assassinat de Chokri Belaïd, en février 2013, quand des centaines de milliers de Tunisiens avaient défilé spontanément le jour de ses obsèques, le 8 février.
La participation d’Ennahdha contestée
La manifestation du 29 mars semble cependant afficher quelques ombres au tableau. Depuis l’annonce de la présence du parti Ennahda et de l’ancien président Moncef Marzouki, battu le 21 décembre dernier, des appels au boycott se sont multipliés dans les rangs de la gauche, où certains estiment indécent de manifester aux côtés de ceux qu’ils jugent être des « sponsors du salafisme ». Le gouvernement de la troïka (décembre 2011 – janvier 2014) est accusé d’avoir fait preuve de laxisme voire de connivence avec les salafistes d’Ansar al-Charia, responsables des assassinats des opposants Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
L’ancien président, Moncef Marzouki, est lui sous le feu des critiques à cause de la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie de Bachar al Assad, qu’il a décidée de manière unilatérale, en 2012. Rupture qui a créé un contexte favorable au départ de nombreux jihadistes tunisiens vers la Syrie.
Le malaise dépasse cependant les rangs de la gauche. Bon nombre de sympathisants de Nidaa Tounes, le parti fondé par l’actuel président, sont eux aussi gênés à l’idée de devoir s’afficher avec les représentants d’Ennahdha et du CPR. Sauront-ils se mobiliser ? Sur les réseaux sociaux, beaucoup promettent certes de venir à la marche mais prévoient de brandir des pancartes très virulentes à l’égard des islamistes.
"Charliser" la manifestation ?
La venue d’Hassen Chalghoumi, l’imam de Drancy populaire auprès des médias français, mais un peu moins auprès des musulmans, a ajouté au trouble ambiant, et accrédité les soupçons de récupération.
>> Forum social mondial – Alaa Talbi : "Les institutions restent fragiles en Tunisie"
C’est justement cette volonté d’afficher des visages célèbres en tête du cortège que dénoncent certains. Fallait-il « charliser » le Bardo, et à calquer la réaction des Tunisiens sur celle des Français, lors de la manifestation géante du 11 janvier, s’interroge en substance l’universitaire Amine Thabet sur son compte Facebook ?
Ajoutées aux vacances scolaires et à une météo incertaine, ces préventions achèvent un peu plus l’espoir de voir un long fleuve humain couler vers le Bardo dimanche.
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