Mouvements citoyens africains : qui sont ces jeunes leaders qui font du bruit ?

Citoyens avant tout, ils se sont pourtant imposés comme des acteurs politiques à part entière. Smockey le Burkinabè, Fadel Barro le Sénégalais, Fred Bauma le Congolais… Voici notre galaxie – non-exhaustive – des leaders de la société civile en Afrique francophone.

Kilifeu (g.) et Thiat (d.), cofondateurs de © Sylvain Cherkaoui/J.A.

Kilifeu (g.) et Thiat (d.), cofondateurs de © Sylvain Cherkaoui/J.A.

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 27 mars 2015 Lecture : 5 minutes.

Certains, à l’image des Sénégalais de "Y’en a marre" ou des Burkinabè du "Balai citoyen", ont déjà une belle notoriété au-delà des frontières de leurs pays. D’autres commencent à se faire un nom ou se battent encore pour la défense de leurs droits dans l’ombre de régimes autoritaires.

Depuis 2011, une nouvelle génération de leaders de la société civile a émergé sur le continent dans le sillage de "Y’en a marre". Très influents parmi les jeunes, craints des pouvoirs qu’ils titillent – et qu’ils contribuent parfois à faire vaciller, comme au Burkina – ces nouveaux guides d’opinions sont en train de devenir des acteurs politiques à part entière dans plusieurs États d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.

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Certains n’ont en revanche toujours pas émergé dans d’autres pays-phares du continent pour des raisons politiques locales très différentes. La Côte d’Ivoire reste par exemple profondément marquée par la crise postélectorale et ses mouvements étudiants très politisés, tandis que l’ultra centralisation de l’État camerounais autour de la personne du président Paul Biya ne favorise pas l’émergence de forces citoyennes.

>> Lire aussi : "Y’en a marre", "Balai citoyen", "Filimbi"… : l’essor des sentinelles de la démocratie

Sénégal

Thiat et Kilifeu

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 De gauche à droite, Thiat et Kilifeu du groupe de Hip Hop Keur Gui dans leur studio dans le quartier de la Medina à Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour J.A.

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Tous deux originaires de Kaolack, les deux rappeurs du groupe Keur Gui se connaissent depuis qu’ils sont gamins. En 2011, excédés par une nouvelle coupure de courant, ils décident, avec leur ami journaliste Fadel Barro, de lancer "Y’en a marre". Le mouvement prend rapidement de l’ampleur et catalyse le ras-le-bol généralisé contre le vieillissant Abdoulaye Wade, finalement battu par Macky Sall lors de la présidentielle de mars 2012. Depuis, Thiat et Kilifeu, quand ils ne voyagent pas sur le continent ou en Europe pour partager leur engagement politique, ne cessent d’appeler leurs compatriotes à participer à la vie publique, sans dissimuler leurs critiques à l’encontre du nouveau chef de l’État.

Fadel Barro

C’est chez lui qu’est née l’idée de "Y’en a marre", avec les rappeurs Thiat et Kilifeu. Ce journaliste d’investigation, salué par Barack Obama lors de sa visite au Sénégal en juin 2013, est un des rares leaders non-rappeurs du mouvement. En première ligne lors de la campagne contre un nouveau mandat d’Abdoulaye Wade, Fadel Barro a récemment fait à nouveau la une des médias internationaux après avoir été arrêté le 15 mars à Kinshasa, avec d’autres activistes sénégalais et burkinabè, lors d’un colloque organisé par leurs partenaires locaux de Filimbi. Accusé par le gouvernement d’être venu "porter atteinte à la sécurité de l’État", il a finalement été relâché et expulsé trois jours plus tard.

Burkina Faso

Smockey

Le rappeur burkinabè Smockey, un des leaders du "Balai citoyen". © AFP

En juin 2013, ce rappeur franco-burkinabè lance, avec son compère reggaeman Sams’K le Jah, le "Balai citoyen". Ce mouvement a été un acteur majeur de la longue mobilisation contre le projet de modification constitutionnelle de Blaise Compaoré. Personnage central des manifestations des 30 et 31 octobre derniers à Ouagadougou, il a réussi, avec ses milliers de militants, ce qu’il réclamait sans relâche depuis des mois : balayer "Blaise". De son vrai nom Serge Martin Bambara, Smockey est aujourd’hui une figure majeure de la société civile burkinabè, dont le discours est écouté et respecté par nombre de ses compatriotes. Comme les Sénégalais de "Y’en a marre", il est aujourd’hui régulièrement invité dans de nombreux pays africains pour partager son expérience de la lutte politique.

Me Guy Hervé Kam

L’avocat est la tête pensante du "Balai citoyen". Quand il n’use pas de ses talents d’orateur pour défendre ses clients au tribunal, Me Guy-Hervé Kam remplit son rôle de porte-parole du mouvement. Comme Smockey et Sam’s K le Jah, les deux artistes et cofondateurs du "Balai", il a été en pointe de la contestation contre le projet de modification de la Constitution de Blaise Compaoré. Cet homme affable et aimable, au parcours atypique – ancien magistrat devenu avocat –, continue aujourd’hui de suivre avec attention l’évolution de régime de transition burkinabè.

Niger

Ali Idrissa

Ali Idrissa a été brièvement arrêté lors de la dernière venue de François Hollande à Niamey. © Eliane Baumgartner /Swissaid

Ali Idrissa est un des membres fondateurs de Croisade Niger, l’une des plus importantes organisations de défense des droits de l’homme et de promotion de la démocratie dans le pays. Il est aussi bien connu des responsables du géant français du nucléaire Areva en tant que coordonnateur national du Rotab (Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire). Cette organisation milite pour une plus grande transparence des négociations sur l’uranium avec Areva et pour que le code minier de 2006 soit enfin appliqué, avec à la clé des retombées financières plus importantes pour le Niger. Il avait notamment été interpellé et arrêté quelques heures à Niamey en juillet 2014, lors de la venue du président français François Hollande au Niger.

RDC

Fred Bauma

Fred Bauma est le représentant de la Lucha (Lutte pour le changement) au sein du collectif "Filimbi" ("coup de sifflet" en swahili), le mouvement citoyen qui milite contre un troisième mandat de Joseph Kabila en 2016. Basé à Goma, dans l’est de la RDC, il fait partie des dix militants congolais incarcérés depuis le 15 mars à l’issue d’une conférence de presse organisée à Kinshsa avec les responsables de "Y’en a marre" et du "Balai citoyen". Bien qu’il ne soit pas inculpé, il n’a toujours pas été libéré.
 

Gabon

Marc Ona Essangui

Marc Ona Essangui, le patron de l’ONG Brainforest. © Vincent Fournier pour J.A.

C’est une figure centrale de la société civile gabonaise. Déjà actif sous Omar Bongo Ondimba, Marc Ona Essangui joue désormais les poils à gratter avec son fils, Ali Bongo Ondimba. Le président de l’ONG Brainforest, très populaire depuis qu’il a obtenu la révision du contrat d’exploitation du fer de Belinga, a lancé en juillet 2011, avec d’autres associations non-gouvernementales et des syndicalistes, le mouvement "Ça suffit comme ça". Parmi leurs revendications : davantage de transparence dans le processus électoral ou encore l’abaissement de la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, renouvelable une seule fois. Cloué dans un fauteuil roulant depuis une polio mal soignée à 6 ans, il a passé plusieurs jours en prison en 2009 et a été condamné en mars 2013  à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre le chef de cabinet d’Ali Bongo Ondimba.

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