Ona Ekhomu : « Boko Haram n’a jamais été considéré comme un vrai problème sécuritaire »

Ona Ekhomu est président de l’Association de la sécurité industrielle et des opérations de sauvetage du Nigeria (AISSON). Pour Jeune Afrique, il revient sur le conflit qui oppose le gouvernement nigérian à Boko Haram.

Ona Ekhomu, le président de l’AISSON. © Dorothée Thienot pour J.A.

Ona Ekhomu, le président de l’AISSON. © Dorothée Thienot pour J.A.

Publié le 26 mars 2015 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Le président Goodluck Jonathan a annoncé que Boko Haram serait battu dans un mois. Cela vous semble réalisable ?

Ona Ekhomu : Je pense que ce qu’il voulait dire, c’est que dans un mois, il n’y aurait plus de partie du territoire nigerian sous contrôle de Boko Haram. Il n’y a pas de ligne de front, dans cette guerre, mais avec le soutien des Tchadiens, des Nigériens et des Camerounais, on commence à voir les effets de la lutte, même s’ils restent fragiles.

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Goodluck Jonathan souhaite également réintégrer les combattants de Boko Haram au sein de l’armée régulière. Est-ce vraiment envisageable ?

C’est l’espoir du président mais je ne suis pas optimiste. Au Nigeria, nous avons déjà réussi des opérations de réintégration. Mais c’était des époques où les combattants avaient pris les armes pour des conflits sociaux, dans le Delta du Niger par exemple. C’est une vision simpliste que de vouloir l’appliquer à Boko Haram : ce qu’ils font, c’est le jihad, en dépit des excuses sociales qu’ils servent parfois. Boko Haram s’est inspiré du modèle des talibans. Le groupe a versé dans la violence par représailles, dès 2009. Avant, des négociations auraient été possibles. Aujourd’hui, je n’y crois pas beaucoup.

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À combien estimez-vous les combattants qui ont rejoint les rangs de Boko Haram ?

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Ils étaient bien plus nombreux en 2002, du temps de Yussuf. Lors de la création de la secte en 1995, c’était encore un groupe à vocation sociale, qui prétendait qu’il fallait offrir un système plus adapté aux populations musulmanes du Nord. Aujourd’hui, on estime les combattants à 5000, mais il y a aussi beaucoup de satellites, estimés parfois à 50 000.

Le gouvernement aurait-t-il pu faire davantage pour entraver le développement de Boko Haram ?

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Si les autorités avaient négocié à l’époque de Yussuf, avant sa mort, il aurait peut-être reculé. Mais rien n’a été fait. En 2009, la confrontation s’est radicalisée. Même si beaucoup de combattants ont été emprisonnés, la tête est restée. En prison, ils en ont profité pour embrigader d’autres détenus. Boko Haram n’a jamais été observé par les autorités comme un véritable problème sécuritaire. Elles le voyait avec des yeux d’enfant ! En 2011, le premier attentat suicide à Abuja, qui visait le siège de la police, a enfin permis que l’État et la communauté internationale ouvrent les yeux. Mais c’était trop tard : ils étaient déjà passés de l’usage d’AK-47 aux engins explosifs, puis des attentats suicide aux enlèvements de masse.

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Pourquoi le gouvernement a-t-il mis si longtemps à accepter l’idée d’une coalition pour lutter contre Boko Haram ?

Il faut se souvenir qu’une force multinationale existait déjà, dans la zone de Baga (Borno). Le Niger et le Tchad travaillaient avec le Nigeria, à l’origine pour lutter contre le banditisme transfrontalier. On parle toujours de l’échec de l’armée nigeriane, qui est une réalité, mais on oublie que la force multinationale conjointe existait déjà. En parallèle, Niger, Cameroun et Tchad ont offert des foyers à ces gens. En particulier au Tchad, du temps de Yussuf…

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