France : 800 cheminots marocains accusent la SNCF de « discrimination »
En France, 832 cheminots marocains réclament des dommages et intérêts à la SNCF devant le conseil de prud’hommes de Paris. Ils accusent l’entreprise ferroviaire de ne pas leur avoir octroyé le statut particulier de cheminot, réservé uniquement aux salariés européens.
Quelques huit cents cheminots de nationalité ou d’origine marocaine accusent la Société nationale des chemins de fer française (SNCF) de discrimination durant leur carrière. Recrutés au Maroc au début des années 1970 comme contractuels, les plaignants reprochent à la compagnie ferroviaire de ne pas leur avoir octroyé le statut particulier de cheminot qui offre notamment des avantages en matière de protection sociale et de retraite. Longtemps limité aux seuls Français, ce régime bénéficie désormais aux ressortissants européens mais toujours pas aux Africains.
Renvoyée depuis 2005, l’affaire est jugée aux prud’hommes de Paris à partir du 23 mars. Certains "chibanis de la SNCF" ont en effet assigné l’entreprise il y a dix ans. Leurs recours seront désormais réexaminés par un juge professionnel chargé de départager les conseillers prud’homaux qui n’ont pas réussi à trouver un consensus sur la question.
1 110 euros de pension après quarante ans de cotisation
Selon les plaignants, la pension de base d’un contractuel après quarante ans de cotisation n’atteint que 1 100 euros par mois, "soit même pas le minimum garanti aux cheminots au cadre permanent après quinze ans de service". Ils réclament en moyenne 400 000 euros de dommages et intérêts à la SNCF, dont la moitié au titre du préjudice de retraite. Des chiffres contestés par la défense qui affirme que les cheminots marocains "optant pour le départ à 55 ans auraient eu une retraite moins élevée s’ils avaient été au cadre permanent" en évoquant des simulations commandées à un cabinet.
Par la voix de son avocat, la SNCF a nié toute "discrimination entre salariés de même qualification ". Voulant démontrer sa bonne foie, l’entreprise à fourni un "panel de comparaison de plus de mille agents". Maitre Jean-Luc Hirsch, l’avocat de la compagnie ferroviaire a en effet estimé que "l’on compare l’incomparable". "La SNCF est une entreprise publique, qui a deux statuts pour ses salariés, la loi le prévoit comme ça" a-t-il ajouté. Il invoque également la prescription des faits.
Des affirmations qui ont été balayées d’un revers de main par l’Association des cheminots marocains, l’un de ses porte-paroles, Ben Dali, a vertement répondu à l’avocat de la SNCF. "On n’a pas été traités à égalité. Je ne peux pas m’empêcher de ressentir un sentiment d’humiliation." Ému, il a évoqué "la souffrance des veuves marocaines quand elles ont dû s’inscrire au RMI" alors que les épouses des cheminots français "reçoivent immédiatement une pension" et "leurs enfants deviennent pupilles de la nation". Six plaignants disparus parmi les 800 sont représentés par leurs ayant droits.
"Condamnés à rester des agents d’exécution"
Une des avocates des plaignants, Clélie de Lesquen-Jonas a quant à elle assuré que les cheminots marocains "ne remettent pas en cause le statut", mais demandent simplement l’application du principe "à travail égal, salaire égal". Elle affrime "qu’ alors que les deux tiers des cheminots au statut finissent agents de maîtrise, les Marocains ont été condamnés statutairement à rester des agents d’exécution".
Parmi les 800 plaignants,113 ont obtenu le fameux statut. Mais ce fut "à géométrie variable", explique leur avocate qui assure que même les 113 bénéficiaires "ont un préjudice car leur ancienneté n’a pas été reconnue". D’autres cheminots marocains, restés contractuels, ont en effet pris leur retraite à 55 ans sur proposition de la SNCF dans les années 2000 avec la garantie d’une indemnité chômage jusqu’à leur retraite. "On s’est fait avoir là encore. On a compris notre douleur quand on nous a calculé notre retraite, diminuée par les trimestres manquants", a regretté l’un des cheminots marcoains retraités.
(AVEC AFP)
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