Nadia Galy, trois vies en une
Architecte et expert judiciaire, cette Franco-Algérienne installée à Paris est aussi l’auteur de trois romans.
Autant l’avouer, on a eu envie de faire ce portrait avant la saison des prix littéraires : Nadia Galy venait de publier son troisième roman, La Belle de l’étoile. Nous l’avons laissée prendre sa place dans le paysage médiatique : de plateaux de télévision en studios de radio, la Franco-Algérienne a dépeint son héroïne.
Une femme au bord de la folie après la mort de son amant, qui quitte Paris et mari pour se réfugier à Saint-Pierre-et-Miquelon… Depuis, la fièvre littéraire est retombée, et nous sommes revenus vers la tout juste quinquagénaire au parcours éclectique. Architecte, romancière et expert judiciaire, Nadia Agli (son nom à l’état civil), c’est trois vies en une.
Quand elle se raconte, c’est toujours par son départ d’Algérie que cette aînée d’une fratrie de trois commence. Elle effleure les années Boumédiène, celles de son enfance à Alger, "une période de pénuries diverses dans un pays qui n’avait pas entendu parler de Mai 1968". Dans ce tumulte, un îlot de paix, le lycée français. Au début des années 1980, quand elle décroche son baccalauréat, la politique d’arabisation bat son plein. Galy décide de la fuir pour démonter, à sa façon, "la fabrique de générations sacrifiées".
À 18 ans, elle débarque dans l’Hexagone sans y être préparée et ne parvient pas à s’inscrire à l’université. L’année suivante, elle entre en école d’architecture pour imiter une amie. Elle se rêve plutôt en consultante au sein d’une organisation internationale. Les études d’architecture sont une révélation, sa thèse, une ode aux rues de Biskra, ville natale de son père, connue pour avoir accueilli Picasso, Matisse, Fromentin. Le jury l’encourage à la publier. Elle hésite.
Sa première expérience professionnelle, "enrichissante et structurante", Nadia la connaîtra aux ateliers d’architecture Duché, à Paris, mais la jeune femme ne se sent pas à la hauteur et finit par s’en aller. Des architectes du Cabinet Ducros, au coeur de Paris, l’initient à la construction des aéroports. Galy carbure à la cigarette et ne compte pas ses heures. Au bout de deux ans, elle s’installe à son compte. "Il faut s’assurer une grande indépendance quel que soit son secteur d’activité", avait un jour clamé son père.
Le premier gros contrat de Galy sera celui de l’aéroport de Saint-Pierre-et-Miquelon. Elle s’y établit pour un intermède enchanteur de six ans, qui est aussi un défi : 23 millions d’euros de budget et l’accueil peu amène des entreprises locales.
La Méditerranéenne se dit désormais accroc à cet archipel français de 242 km2 qui a chamboulé sa vie. La rudesse du climat ? Elle ne s’en aperçoit pas. Elle voit ses premiers phoques en liberté, marche sur la banquise, vit de splendides fêtes de Noël. Elle confesse y penser plus souvent qu’à l’Algérie, où elle n’a pratiquement plus d’amis et où elle se sent aussi légitime qu’en décalage.
Elle doit également à la petite île la rencontre avec son mari, un haut fonctionnaire corse. D’une certaine manière, c’est leur histoire qui a fait d’elle un écrivain. Tout commence par un blog dans lequel elle raconte leurs voyages en se payant sa tête. Ses amis adorent. Profitant de la fin des travaux, elle se met sérieusement à l’écriture. Son premier roman, Alger, lavoir galant, est publié en 2007.
Le deuxième, Le Cimetière de Saint-Eugène, paraît en 2010. Ses romans sont aussi sombres qu’elle est joyeuse. La narratrice de La Belle de l’étoile (2014) est anorexique : Nadia, frêle silhouette enfouie dans un large pull et visage de reine égyptienne, rêverait de ne pas manger. Son physique témoigne de son autodiscipline : jusqu’à deux heures de sport par jour pour cette marathonienne qui, pourtant, tombe toujours amoureuse de ce qu’elle mange.
D’une ville à l’autre, la romancière prend les accents des lieux qu’elle traverse, la Corse, Paris, Saint-Pierre. L’architecte rêve d’un grand musée de la peinture avec des showrooms pour grands couturiers. Ou de pénitenciers : ex-visiteuse de prison, elle les voudrait plus humains. Mais il y a aussi des projets plus aisément réalisables, comme la construction d’écoles maternelles – elle a choisi de ne pas avoir d’enfants : "C’est écrasant" -, qui permet de libérer son imagination en jouant avec formes et couleurs.
Ses différentes vies s’entremêlent. Nadia Galy, qui navigue aussi dans le monde judiciaire, juge passionnant de se voir confirmer que la société est divisée en deux : d’un côté les prédateurs, de l’autre les victimes. Au milieu, les médiateurs, les avocats, les juges, les fanfarons, les malins, les grandes gueules. En somme, des milliers de sujets de roman.
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