Petit guide pratique pour investisseurs français en Afrique
Risque politique, sanctions internationales, application du droit, infrastructures… Le 9 avril, les participants à la conférence organisée par le cabinet d’avocats Herbert Smith Freehills ont pu se faire une idée des grandes spécificités de l’environnement des investissements en Afrique.
Quelques mois après le lancement très médiatisé de la Fondation franco-africaine pour la croissance, l’intérêt des entreprises françaises pour le continent est-il en train de croître à vive allure ? On serait tenté de le croire au vu du succès de ce qui est après tout un événement purement professionnel organisé le 9 avril par le cabinet d’avocats Herbert Smith Freehills et l’Association française des juristes d’entreprise dans les locaux parisiens de Thomson Reuters *. Une centaine de personnes, principalement des juristes d’entreprises, sont ainsi venus écouter durant une matinée une trentaine d’intervenants possédant une expérience des affaires en Afrique. Avec une conviction assez largement partagée : si les opportunités d’investissement sont nombreuses, l’environnement des affaires sur le continent reste encore peu familier aux investisseurs français.
Risques politiques, sanctions internationales, application du droit, manque d’infrastructures… La conférence a donc été l’occasion de revenir sur quelques grandes caractéristiques incontournables. Extraits.
La politique…
« Les projets d’infrastructure ont une durée longue, 20 ans au moins », explique Sidy Diop, vice-président du cabinet de conseil Microeconomix. Même sur une durée plus courte, le risque politique pèse lourd dans la décision d’investir ou non. En outre, les gouvernements imposent des conditions de plus en plus exigeantes, à mesure que la concurrence entre les investisseurs se renforce. Ainsi, l’obligation d’embaucher une certaine proportion de main d’oeuvre locale et de privilégier les fournisseurs locaux devient monnaie courante dans la plupart des pays africains. Duncan Williams, directeur juridique de la société pétrolière Maurel & Prom, souligne la nécessité de disposer d’appuis politiques pour mener à bien un projet : « Sans volonté politique, votre projet peut traîner des années sans évoluer ».
Pour dénoncer l’absurdité de certaines situations, un journaliste est parfois plus efficace qu’un avocat.
Les sanctions internationales qui touchent certains pays, entités ou personnes du continent doivent être gardées à l’esprit. Il sera quasi impossible de lever des financements pour un projet impliquant, de près ou de loin, des personnes ou des entreprises soumises à ces sanctions. Dès lors qu’un paiement est réalisé en dollars, les différentes parties aux contrats deviennent concernées par les sanctions américaines. Ces sanctions ne touchent pas que les seigneurs de guerre et peuvent s’appliquer en dépit du bon sens.
>>>> La grogne contre le dollar prend de l’ampleur
Durant la crise ivoirienne, le Port autonome d’Abidjan a ainsi été placé sous sanction. Les entreprises importatrices ont été asphyxiées. Obtenir une dérogation prend du temps. Quand les arguments juridiques sont inefficaces, il est parfois utile de dénoncer l’absurdité en la médiatisant. Aurélie Pujo, directrice juridique chez Amethis Finance, en atteste : dans cette situation, « un journaliste est parfois plus efficace qu’un avocat ».
Infrastructures
Le déficit d’infrastructures ne doit pas être pris à la légère et peut entraîner des coûts supplémentaires importants. Cela alourdit les coûts de transaction (coût de prospection, temps et effort passés à la négociation, etc…) qui sont déjà élevés en Afrique. Harald Peter Knöbl, directeur juridique chez GDF Suez, a ainsi évoqué le projet gazier de Touat, dans le sud désertique de l’Algérie, qui a nécessité la construction d’un aéroport, de routes et de logements.
La question juridique
En cas de contentieux, l’environnement juridique peut être particulièrement complexe et le droit local joue rarement en faveur des investisseurs étrangers, ont estimé les participants à la conférence. Les procédures d’arbitrage privé connaissent un essor important sur le continent, mais les options sont réduites, comme l’explique Salim Moollan, avocat à la cour en Angleterre et à Maurice : « Paris est une bonne place d’arbitrage, mais certains Africains sont méfiants ». Les pays qui accueillent des places d’arbitrage sont suspectés, souvent à tort, de privilégier leurs ressortissants. Pour Salim Moollan, Maurice et le Caire sont les deux places d’arbitrages africaines les plus reconnues. Mais attention : inutile d’avoir recours à une procédure d’arbitrage privé – généralement très coûteuse- si le pays concerné refuse d’exécuter la sentence.
Le droit local joue rarement en faveur des investisseurs étrangers.
Les investisseurs sont fréquemment confrontés à ce problème. Séverine Brejon de Lavergnée, conseillère principale à la direction juridique de Total, explique ainsi que « Lagos veut devenir une grande place d’arbitrage, mais les interférences des juges nigérians [dans l’exécution des sentences], en matière de fiscalité notamment, sont encore nombreuses ». Elle évoque les sentences favorables à Total qui n’ont pas pu être exécutées au Nigéria, mais note tout de même des progrès.
Le risque de changes
Le régime des changes devient également contraignant pour les investisseurs étrangers, lorsque les contrats sont libellés en monnaie locale. Si le FCFA est arrimé à l’euro, le naira, la monnaie nigériane, ou le cédi, la monnaie ghanéenne, sont très volatils. Fin 2014, le Nigéria a ainsi dévalué sa monnaie de près de 9 %. Pour un fonds d’investissement, la nécessité de prévoir des options de sortie de capital en euros ou en dollar est capitale.
* Jeune Afrique était partenaire média de cet événement, intitulé « Travailler en Afrique : L’essentiel à retenir pour mener à bien vos projets ».
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