En Algérie, la wilaya d’El-Oued a la patate
Grâce au volontarisme de l’État, cette zone désertique est devenue la première région productrice de pommes de terre du pays. Prochaine étape : la tomate.
Agriculture : consommer local, mission impossible ?
Causées par la flambée des prix sur les marchés mondiaux, les émeutes de la faim de 2008 ont servi de leçon : il faut limiter les importations de denrées agricoles et développer leur production en Afrique. Le défi implique de surmonter les aléas climatiques… et de libérer l’initiative.
Le long de la route qui traverse la wilaya d’El-Oued (Sud-Est), des cercles verts apparaissent soudain au milieu des dunes ocre du Grand Erg oriental. Ce sont les champs du désert, qui ont commencé à essaimer au début des années 2000. « Et leur nombre ne cesse d’augmenter depuis », témoigne Azzeddine Zoubidi, un habitant de la région. Les surfaces agricoles, quasi inexistantes en 1993 avec 200 ha cultivés, recouvrent aujourd’hui 33 000 ha. Et le nombre de producteurs est passé de 800 à près de 5 000 entre 2004 et 2014, selon la Chambre de l’agriculture d’El-Oued. La filière s’est si bien développée qu’en 2013 la wilaya est devenue la première région productrice de pommes de terre d’Algérie, avec 24 % des 5 millions de tonnes récoltées dans le pays.
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« Le développement de l’agriculture dans le Sud est le résultat d’une politique lancée dans les années 1980 qui avait pour objectif la mise en valeur de nouvelles terres, explique Abed Charef, journaliste spécialiste de l’agriculture. Or les terres du Sud présentent un double avantage : elles sont disponibles en abondance et sont exploitables toute l’année, contrairement à celles du Nord, où le climat ne permet que trois mois d’exploitation. »
À ces facteurs naturels s’ajoutent la hausse du prix de la pomme de terre sur le marché et un soutien appuyé de l’État à la filière. La région a ainsi bénéficié de la construction de 400 km de pistes agricoles et de 300 km de lignes électriques depuis 2010. Des facilités sont par ailleurs accordées aux agriculteurs en matière de vente des semences à des prix étudiés et d’acquisition des pivots d’irrigation avec paiement échelonné.
« Ghout »
Dopées par ce soutien étatique, les pratiques agricoles ont considérablement évolué dans cette région de tradition phoenicicole (culture des palmiers). Les plus anciens fellahs, spécialisés dans la datte, se sont ainsi lancés dans la pomme de terre. C’est le cas d’Abdelkader Louassaa, un agriculteur à la peau brunie par le soleil. « Dans ma famille, on a toujours cultivé les ghout, ces palmeraies traditionnelles situées dans une crevasse qui puisent l’eau de la nappe phréatique, raconte le vieil homme. Mais depuis quelques années, en plus de nos sept palmeraies, nous cultivons aussi la pomme de terre. »
À la faveur d’une production en pleine croissance, la pomme de terre d’El-Oued commence à sortir des frontières algériennes pour faire son apparition sur des marchés étrangers, notamment en Russie. Pour l’instant, les quantités exportées demeurent minimes – quelques centaines de tonnes – et sont le fruit d’actions individuelles des producteurs ; mais elles ne cessent d’augmenter. Les exportations de pommes de terre d’El-Oued vers la Russie sont ainsi passées de 50 à 500 tonnes entre 2011 et 2014, selon la Chambre de l’agriculture.
Autre nouveauté : la tomate. « C’est le bébé des agriculteurs, qui la cultivent depuis à peine cinq ans. Ce produit a évolué très rapidement, plus vite que la pomme de terre », déclarait Zeghib Saadoune, président de la Chambre de l’agriculture d’El-Oued, à l’occasion du dixième Salon de l’agriculture saharienne et steppique Sud’Agral, en décembre 2014. « Actuellement, nous sommes à 800 quintaux par hectare, et son prix reste stable, autour de 30 dinars le kilo. Si ça continue comme ça, El-Oued deviendra, dans deux ans, un leader sur ce créneau », prédisait-il.
Une perspective qui ne réjouit pas tout le monde : « D’ici à une dizaine d’années, la plupart des dunes de sable seront aplanies et cultivées », se désole un ancien d’El-Oued. D’autant que l’exploitation intensive de ces nouvelles parcelles pose des questions environnementales. Pauvres en éléments nutritifs, elles nécessitent une grande quantité d’engrais et une irrigation importante, pour un cycle de culture qui n’excède pas trois ans.
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Par Chloé Rondeleux, envoyée spéciale
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