Régis Facia : « Au Bénin, les portes s’ouvrent plus facilement devant les Européens »

Créer son entreprise au Bénin relève du parcours d’obstacles. Le vice-président du patronat, PDG fondateur de Top Chrono, est bien placé pour en parler.

Régis Facia est le PDG fondateur de Top Chrono. © Fiacre Vidjingninou pour J.A.

Régis Facia est le PDG fondateur de Top Chrono. © Fiacre Vidjingninou pour J.A.

Fiacre Vidjingninou

Publié le 2 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

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Sacré Bénin !

Vingt cinq ans après la Conférence nationale qui fut un modèle pour toute l’Afrique francophone, le laboratoire bouillonnant de la démocratie béninoise a du vague à l’âme.

Sommaire

Après douze années passées à l’étranger, un diplôme de l’École supérieure de commerce de Grenoble (France) et un master en marketing au Royaume-Uni, Régis Facia est rentré à Cotonou en 1994 pour prendre la direction commerciale d’un groupe informatique américain. En 1995, à tout juste 30 ans et avec seulement 3 500 euros d’apport, il a créé Top Chrono, une société spécialisée dans la distribution du courrier. Aujourd’hui, l’entreprise est présente au Bénin, au Togo, en Côte d’Ivoire et au Niger. Elle a développé des partenariats avec Saga Express (filiale du groupe Bolloré), Sodexi (filiale d’Air France) et Fedex. Depuis 2006, Régis Facia est aussi vice-président du Conseil national du patronat du Bénin.

Propos recueillis à Cotonou par Fiacre Vidjingninou

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Jeune Afrique : Le Bénin est-il devenu plus attrayant pour les investisseurs ?

Régis Facia : Sans aucun doute. Le pays a fait de véritables progrès et dispose désormais de solides atouts. Le rapport « Doing Business » 2015 de la Banque mondiale le dit, et les faits sont là. Le tribunal de commerce, longtemps resté à l’état de projet, est devenu réalité grâce au financement de la Banque mondiale ; il ne faut plus que trois jours pour créer une entreprise, contre au moins trois mois il y a encore quelques années, etc.

Mais nous devons aller plus loin, notamment pour fournir plus d’énergie, de bonne qualité et à moindre coût. Aujourd’hui les tarifs sont les mêmes pour un particulier et pour une entreprise. Ce n’est pas normal.

Il est par ailleurs indispensable de développer notre tissu industriel. Nous sommes arrimés au tarif extérieur commun [de l’Union économique et monétaire ouest-africaine]. C’est une bonne chose pour des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal qui disposent d’un secteur secondaire développé. Le Bénin, lui, est en retard. Sa zone franche industrielle n’est toujours pas opérationnelle. Elle est pratiquement déserte.

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Combien de chefs d’entreprise voyez-vous dans l’avion de notre chef de l’État quand il s’envole pour l’étranger ?

Quels sont les principaux obstacles auxquels se heurte un créateur d’entreprise ?

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La première difficulté vient des banques, qui ne veulent pas accompagner les entrepreneurs dans leurs projets. D’où la nécessité de créer un fonds de garantie pour l’accès aux crédits.

Un des autres problèmes est l’accès au foncier. Pour un jeune qui souhaite s’installer dans le centre de Cotonou, le prix des loyers est exorbitant : de 50 000 à 60 000 F CFA [de 76 à 91,50 euros] le mètre carré. Lorsqu’un propriétaire décide de fixer un loyer à 1 million de F CFA [1 525 euros], que fait l’État ? Il faut qu’il impose des règles pour empêcher les spéculations. C’est ce que le Rwanda a fait, et ça marche.

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Avez-vous été freiné dans votre parcours personnel ?

Quand j’ai créé Top Chrono, je rêvais d’en faire une entreprise à vocation africaine. J’en avais les moyens. Après Cotonou, puis Lomé, je me suis implanté à Dakar [en 1999]. Mais les autorités sénégalaises m’ont renvoyé, car elles estimaient que je faisais de la concurrence à la poste nationale et qu’il fallait que cette dernière rentre dans mon capital à 51 %. J’ai eu le même problème au Burkina Faso… J’ai l’impression que, sur notre continent, on ouvre plus facilement les portes aux Européens qu’aux Africains – à Dakar et à Ouagadougou, on n’a jamais demandé à mes concurrents étrangers de fermer, alors qu’on me l’a demandé.

D’autre part, personne ne m’a aidé. Lorsque le président François Hollande part en voyage, il emmène presque toujours une cinquantaine de patrons français avec lui. Combien de chefs d’entreprise voyez-vous dans l’avion de notre chef de l’État quand il s’envole pour l’étranger ? Pour donner une nouvelle dynamique à son économie, notre pays doit aussi apprendre à « vendre » ses hommes d’affaires.

Quelle est, pour vous, « la » grande priorité en matière de développement ?

Ce qui m’inquiète le plus, c’est que la majorité des Africains passe la plus grande partie de son temps à régler des problèmes de sécurité alimentaire. Un continent, ou un pays, qui ne parvient pas à résoudre ce problème ne peut avancer ni prétendre avoir résolu quoi que ce soit. L’urgence est donc de promouvoir l’agriculture, de mettre en place un mécanisme qui assure l’autosuffisance alimentaire. Alors seulement, on pourra aborder la question du développement.

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