Les sorties ciné du mercredi 8 avril

 

 

Mada la débrouillarde

"Il n’y a rien de plus résistant qu’un rocher, mais, comme il ne dit rien, les oiseaux lui chient dessus." De tous les proverbes égrainés pendant le documentaire du réalisateur Lova Nantenaina, voilà peut-être le plus parlant. Madagascar est le cinquième pays le plus pauvre du monde, avec moins de 475 dollars de PIB par habitant. De là le regard au mieux apitoyé, au pire méprisant des "oiseaux" sur le peuple misérable de cette grande île de l’océan Indien. Ce long-métrage prend le contre-pied en suivant des Malgaches adeptes de l’"Ady Gasy" (le titre du film), le système D, à la fois méthode de survie et philosophie. En trois coups de marteau ou de couteau, des sandales naissent d’un pneu, des maracas d’une vieille conserve. Mada est riche de sa débrouillardise et sourira même les poches vides tant que ses habitants resteront solidaires. Un documentaire digne, malin et réjouissant. Léo Pajon

L’Astragale, de Brigitte Sy (sortie à Paris le 8 avril).

 

Talentueux fugitifs

À partir d’un livre célèbre, l’histoire vraie d’un amour fou entre une jeune femme de 20 ans qui vient de s’évader d’une maison d’arrêt et un repris de justice qui la prend en stop. En sautant le mur d’enceinte, la jeune femme s’est brisé un os du pied, l’astragale, qui a donné son titre à l’ouvrage autobiographique d’Albertine Sarrazin. Son sauveur, Julien, la cache chez une amie pendant qu’elle retrouve petit à petit sa faculté de marcher tout en se prostituant pour survivre… Ce film d’époque en noir et blanc – tout se passe à la fin des années 1950 – bien réalisé mais de façon très classique, bénéficie de l’interprétation remarquable de Leïla Bekhti, dans le rôle de l’indomptable Albertine, et de Reda Kateb, dans celui de Julien le tendre voyou. Renaud de Rochebrune

 

Histoire de Judas, de Rabah Ameur-Zaïmèche (sortie à Paris le 8 avril).

Judas réhabilité

Poursuivant avec ce cinquième film une oeuvre exigeante, passionnante et originale, le réalisateur franco-algérien Rabah Ameur-Zaïmèche propose, après ses magnifiques Chants de Mandrin, une histoire de Jésus et de Judas qui entend revisiter sans tabou l’histoire des origines du christianisme. Utilisant des sources d’inspiration très diverses, comme les évangiles relus avec un oeil fort critique, le scénario que le réalisateur danois Carl Theodor Dreyer n’a jamais tourné sur Jésus de Nazareth ou des tableaux du Caravage, de Rembrandt et de Holbein, le cinéaste entend réhabiliter le personnage de Judas. Celui qui est "la figure même de l’altérité" et dont la mise en accusation a fait le lit de l’antisémitisme chrétien. Qu’on ne s’y méprenne pas : tourné dans les magnifiques paysages de l’Aurès, en Algérie, terre natale de l’auteur, ce film n’est jamais ennuyeux et ne soutient une thèse qu’à travers ce qu’il raconte avec talent. Dans le rôle de Judas, Rabah Ameur-Zaïmèche lui-même, bien entendu. R.R.

 

Les Messagers, d’Hélène Crouzillat et Laetitia Tura (sortie à Paris le 8 avril).

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Ces fantômes qui hanteront l’Europe

Le titre, Les Messagers, renvoie aux propos d’un rescapé africain qui estime faire partie de ceux qui rendent compte de l’état du monde. Il a frôlé la noyade et a assisté à la mort de migrants ayant tenté, comme lui, la traversée vers l’Europe. Il parle de ce monde malade qui, vu la manière dont il traite les migrants clandestins, accepte un univers déshumanisé, mais aussi de la dissolution des liens entre les communautés et les régions de la planète. L’originalité de ce long-métrage tient à ce qu’il se focalise non pas sur les migrants et leur parcours mais essentiellement sur les morts et les disparus, "les gens partis et jamais arrivés". Ces fantômes qui, inéluctablement, reviendront hanter l’Europe qui les a laissés sans sépulture à ses frontières. R.R.