« Bingo’s Run » : James A. Levine, accro à la vie

Mené tambour battant, le nouveau roman de James A. Levine nous entraîne au pas de course à la poursuite de Bingo, enfant débrouillard du plus gros bidonville de Nairobi.

Plongez au coeur de l’un des plus gros bidonvilles de Nairobi avec Bingo’s Run. © Tony Karumba/AFP

Plongez au coeur de l’un des plus gros bidonvilles de Nairobi avec Bingo’s Run. © Tony Karumba/AFP

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Publié le 10 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

Professeur de médecine au sein de la clinique Mayo (États-Unis) et écrivain, James A. Levine n’a pas créé le très attachant héros de son nouveau roman : il l’a rencontré.

"Un jour, à Kibera, je descendais une ruelle accompagné par la police armée de Nairobi. Un petit garçon d’une dizaine d’années a déboulé en face de nous. Il tenait de petits sachets de cocaïne entre ses mains : c’était un coursier. Quand il a vu la police, il a fait demi-tour et a piqué un sprint le long d’une autre ruelle. Il y avait un vieil homme qui boitillait en face de lui, penché sur une canne. Le garçon est passé sous la canne, a couru un peu plus loin, s’est arrêté et a regardé dans notre direction. Il nous a offert un large sourire avant de disparaître. Je n’ai pas oublié son joyeux défi. Ce garçon, c’était Bingo."

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Bière

Roman de 70 chapitres qui se dévore à en perdre haleine, Bingo’s Run offre une plongée sensible et réjouissante au coeur de l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique, où vivent quelque 60 000 personnes.

Ce bidonville, James A. Levine le connaît bien. Sa première visite sur les lieux remonte à 2010, alors qu’il travaillait pour la Croix-Rouge et pour le Kibera Mapping Project. Depuis, "tombé amoureux de Nairobi", il y est retourné souvent. "Kibera, c’est une foule variée, dit-il. En dépit d’une extrême pauvreté, les habitants sourient, ils plaisantent, ils sont généreux. La chaleur des Kényans m’a fasciné. Souvent, des gens vivant dans des abris de tôle m’ont accueilli dans leur maison et nourri. J’apportais la bière ! Bingo symbolise ce pouvoir non seulement de survivre, mais de le faire avec ravissement."

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Au pas de course, Bingo livre des sachets de cocaïne pour le compte d’un des plus dangereux truands de la ville. Il est le meilleur coureur de Kibera : semblant plus jeune que son âge en raison d’un "retard de croissance", le "Nabot" n’a pas son pareil pour passer entre les mailles de la police et échapper à tous ceux qui pourraient lui faire la peau. Ses livraisons l’entraînent dans les quartiers chics comme dans les zones les plus malfamées, et il serait bien prétentieux de vouloir résumer ici ses rocambolesques aventures.

Mais comment ne pas évoquer les personnages singuliers qui l’entourent ? Il y a bien sûr Slo-George, son ami demeuré qui ne s’exprime que par grognements, les affreux Boss Jonni, Dog, Wolf et Gihilihili, classés ici par ordre de cruauté – le dernier étant le chef de la police -, mais aussi le peintre Hunsa, génial et défoncé, la marchande d’art américaine en recherche d’enfant, Mrs Steele, le père Mathew, multinationale des trafics en tout genre, et la très rusée Charity, qui fait les chambres du Livingstone Hotel. tendresse.

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Zut, il ne fallait pas le dire ? Bingo’s Run est aussi une histoire d’amour… Ou plutôt de cette tendresse dont le monde manque tant. "Je soupçonne Bingo de courir après ce que je cherche… et peut-être après ce que vous cherchez !" lance James A. Levine.

Sans moralisme et loin de toute caricature excessive, l’auteur du Cahier bleu – qui traitait de la prostitution enfantine en Inde – brosse le portrait d’une société traversée de désirs contradictoires. "C’est Mrs Steele, la blonde marchande d’art de Bingo’s Run, qui nous en dit le plus sur le capitalisme. Elle est constamment tiraillée entre l’avidité et la rectitude. Les mêmes forces sont en jeu chez Bingo, qui vit à Kibera. Il est également partagé entre l’envie et l’égalitarisme. C’est un point central du roman : les pauvres ne sont pas fondamentalement différents des nantis, ils ont des besoins communs et des vices similaires."

Après, tout est une question d’échelle… et de pouvoir. Ainsi, comme le résume Bingo : "Moi, je m’y connais en politique, j’ai porté de la poudre à une centaine de politiciens. Ils sont comme des putes, simplement ils se font payer plus. Les unes font la prostitution, les autres, la constitution. C’est toujours des trucs à vendre, sauf que les contrats sont plus juteux." 

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