Tunisie : haro sur les médias français

Tropisme pro-islamiste, racolage, sensationnalisme… Les griefs du camp moderniste contre les journalistes de l’Hexagone sont symptomatiques.

La dernière polémique est née d’un article de « Libération » sur l’attaque du Bardo. © DR

La dernière polémique est née d’un article de « Libération » sur l’attaque du Bardo. © DR

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 9 avril 2015 Lecture : 2 minutes.

"La France est le pays dont nous sommes le plus proches, et c’est aussi celui qui nous comprend le moins." Ce grief revient souvent dans la bouche des Tunisiens francophiles comme Amine.

"Les articles et les reportages télévisés véhiculent une quantité stupéfiante de clichés éculés et de raccourcis. Et on perçoit souvent un tropisme pro-islamiste assez inexplicable, s’insurge ce chef d’entreprise de 41 ans qui a étudié et vécu dans l’Hexagone. C’était frappant après les législatives du 26 octobre : on avait le sentiment que les journalistes français auraient préféré une autre issue que la victoire des modernistes de Nidaa Tounes." Même si les reproches peuvent sembler abrupts, ils ne sont pas totalement infondés.

L’idée que la presse française est hostile à la Tunisie est désormais tenue par beaucoup pour un fait acquis.

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Trop souvent, les médias français, y compris les titres les plus prestigieux de la presse écrite, ont donné une impression de parti pris, en usant de la phraséologie d’un camp (celui des islamistes et de Moncef Marzouki) pour désigner l’autre (celui de Béji Caïd Essebsi) et en assimilant sans nuance Nidaa Tounes au "parti des résidus de l’ancien régime".

Le contentieux avec la presse ne date pas de la campagne électorale de 2014. Sous les gouvernements de la troïka, déjà, plusieurs reportages télévisés, produits par Canal+ ou par France Télévisions, avaient créé des remous, pour des raisons inverses. Racoleurs et sensationnalistes, ils dépeignaient le pays comme un dangereux repaire de salafistes.

Le journalisme moderne, en quête d’audimat, laisse rarement place à la nuance. Mais l’idée que la presse française est hostile à la Tunisie est désormais tenue par beaucoup pour un fait acquis. La dernière polémique a été provoquée par un article de Libération, écrit à chaud, trois heures après l’attaque du musée du Bardo, le 18 mars, et signé de la correspondante à Tunis du journal.

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Réel malaise

Plus que son contenu, c’est le titre rapportant les propos d’un guide touristique qui a déclenché la colère : "C’est fini la Tunisie, c’est fini le tourisme". "Choquant, alors que le sang des victimes n’a pas fini de sécher", s’indigne Malek A., un internaute, qui remarque qu’au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo le même journal avait titré, parlant des frères Kouachi : "Ils ont voulu mettre la France à terre, ils l’ont mise debout".

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Le président Béji Caïd Essebsi y a fait écho, à deux reprises, pour s’en émouvoir, dans son discours à l’occasion de la fête de l’indépendance, le 20 mars, et le lendemain, au cours d’une interview télévisée. Si la réaction peut paraître disproportionnée, elle traduit néanmoins, émanant d’un chef d’État, un réel malaise qui déteint sur la relation bilatérale.

"C’est un malentendu récurrent, explique un lobbyiste proche de l’Élysée. La plupart des gens, à Tunis, pensent que la presse française obéit aux consignes des autorités et croient que les opinions exprimées par le journal Le Monde reflètent le point de vue de la diplomatie française. Il est très, très difficile de leur faire entendre raison…"

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