Maroc : en Europe, BMCE Bank sur le chemin de la raison

Plombé par ses activités de banque d’affaires à Londres, le groupe marocain a choisi de revoir sa stratégie au Royaume-Uni, en France et en Espagne. Avec plus de modestie.

Le groupe veut offrir des services, notamment de transfert d’argent, aux Marocains résidant à l’étranger. DR

Le groupe veut offrir des services, notamment de transfert d’argent, aux Marocains résidant à l’étranger. DR

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 18 janvier 2013 Lecture : 4 minutes.

« La fermeture du bureau de Londres n’a jamais été une hypothèse sérieuse. » Six ans après le lancement calamiteux de la filiale britannique de BMCE Bank, Mohammed Agoumi, le tout nouveau directeur général des activités internationales, est clair. Chargé de piloter à la fois les antennes du groupe à Londres, Paris et Madrid pour mettre un peu d’ordre dans une maison au fonctionnement interne réputé complexe, le banquier affirme : « Mon mandat est explicite. Il s’agit de restructurer les activités en Europe de manière générale et de remettre à flot l’exploitation à Londres. »

Cliquez sur l'image.Créé quelques mois avant la crise financière internationale débutée mi-2007 et censé faire le pont entre les marchés financiers internationaux et le Maroc, l’ex-MediCapital Bank (devenu BMCE Bank International) aura fait perdre 725 millions de dirhams (environ 65 millions d’euros) à sa maison mère. Réduction drastique des charges – avec un effectif passé de 90 à 45 personnes en deux ans -, diminution des créances à risque et, finalement, abandon total des activités liées aux marchés de capitaux : la restructuration, entamée il y a deux ans, a enfin abouti. Au premier semestre 2012, BMCE Bank International a enregistré pour la première fois de son histoire un modeste bénéfice (environ 625 000 euros).

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Soulagement

Au dernier étage du siège de BMCE Bank à Casablanca, celui de la présidence, on a dû pousser un ouf de soulagement après ces longues années de galère. Des trois grandes banques marocaines, la filiale du groupe d’Othman Benjelloun aura été la seule à se lancer dans l’aventure de la banque d’affaires internationale. C’est peu de dire que l’échec aura été total. « Depuis le 1er septembre, BMCE Bank International a été recentré sur trois activités, souligne Mohammed Agoumi. La commodity trade finance, notamment dans les produits alimentaires et l’énergie ; les projets de financements structurés ; et l’activité de market maker sur les changes afin de donner enfin un prix de marché intéressant pour les clients africains du groupe. »

Le premier pôle ne chôme pas, dans un contexte de raréfaction des flux de financement du commerce. Les équipes parisiennes de BMCE Bank y jouent le premier rôle, avec comme objectif de devenir un des interlocuteurs des entreprises commerçant avec l’Afrique. Le second pôle se met en place doucement : BMCE Bank International a ainsi brillé ces derniers mois en participant au financement du troisième pont d’Abidjan, à hauteur de 12 millions d’euros.

« Mais son développement reste dépendant de la coordination avec les entités du groupe sur place, qui seront à l’origine des flux de projets », précise Mohammed Agoumi. Pour alimenter Londres et Paris en deals potentiels, la création d’un réseau de banques d’affaires en Afrique subsaharienne, baptisé BOA Capital et dépendant de Bank of Africa, la filiale de BMCE Bank au sud du Sahara, est en marche, avec un démarrage prévu des activités en 2013.

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Tout en oeuvrant dans les mêmes métiers, Madrid, troisième antenne européenne des activités de banque d’affaires du groupe marocain, se spécialise davantage sur les relations commerciales entre le Maroc et l’Espagne, désormais l’un des tout premiers partenaires du royaume. À terme, la volonté est de fusionner les deux entités londonienne et madrilène de banque d’affaires.

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Reste la banque de détail en Europe. Sur ce point, la deuxième banque privée marocaine n’est guère en avance et s’est même fait, depuis une décennie, littéralement distancer par ses deux principales concurrentes. Sa part de marché n’excède pas 10 %, quand celles d’Attijariwafa Bank et de Banque populaire s’élèvent respectivement à 27 % et 53 %. Si la dernière bénéficie d’un positionnement historique auprès des Marocains résidant à l’étranger – avantage qu’elle a transformé en succès avec la création de la filiale européenne Chaabi Bank -, Attijariwafa Bank a investi massivement ces dernières années pour rattraper son retard et prendre la première place. Pour BMCE Bank, hors de question aujourd’hui de relancer la stratégie de banque de détail en Europe. « Nous ne voulons pas y gérer de réseau bancaire », assure Mohammed Agoumi.

Expérimentation

Pour limiter les coûts et les besoins en fonds propres, le groupe marocain a simplement créé, début 2012, BMCE Euroservices, agréé par la Banque centrale espagnole comme établissement de paiement et pouvant exercer dans d’autres pays européens. L’entité a été rattachée, fonctionnellement, à la direction du réseau de BMCE Bank au Maroc, l’objectif étant d’offrir des services simples, notamment de transfert d’argent, à la clientèle marocaine établie en Europe. La structure a récupéré les quelques agences du groupe – un peu délaissées ces dernières années – en France et en Espagne et vise quelques ouvertures au Benelux dans les années à venir.

Le français Crédit mutuel-CIC, actionnaire de référence du groupe marocain, a accepté d’ouvrir des espaces réservés à BMCE Bank dans certaines de ses agences. Le dispositif est actuellement en phase d’expérimentation. S’il est confirmé, il pourrait permettre à la banque de disposer potentiellement de relais dans plus de 4 500 points de vente en France, Crédit mutuel-CIC étant l’un des plus importants réseaux de proximité dans le pays. 

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