Nigeria : ce que Muhammadu Buhari nous a dit
Quatre jours avant le scrutin, le candidat du All Progressives Congress, Muhammadu Buhari ,se glissait déjà dans les habits de président du Nigeria. Rencontre avec un ancien putschiste qui a gagné ses galons de démocrate.
C’est un homme d’action plus que de mots. Le Muhammadu Buhari qui se tient devant nous, en ce 24 mars, est souriant et taiseux. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il s’est entouré d’une armée de communicants. Le militaire va devoir apprendre à parler…
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Il arrive en trombe à son QG de campagne d’Abuja, suivi d’une flotte de 4×4 rutilants. On se lève à son passage. Comme il veut rester en forme, le vieux Fulani, 72 ans, fin comme une liane, a décidé d’installer son bureau au dernier étage, sans ascenseur. Et comme il n’exclut pas de briguer un second mandat, il nous fait aussitôt comprendre qu’il ne faut pas le chatouiller sur son âge. Pas plus que sur la question de ses diplômes, qu’ont brandie des partisans zélés de Goodluck Jonathan.
Ils affirment qu’il n’a pas été au bout de son parcours académique ; lui dément, sans en apporter la preuve. Peu lui importe désormais. Car non seulement il est parvenu à fédérer le Nord (à dominante musulmane) et le Sud (à dominante chrétienne), mais il a réussi à imposer le respect. Au sein du Peoples Democratic Party (PDP, le parti au pouvoir vaincu), même les plus ardents défenseurs de Jonathan s’inclinent devant "l’effet Buhari".
À l’instar de Hassan Tukur, un proche conseiller du chef de l’État sortant : "Je connais bien Buhari, il est très compétent. En revanche, je ne suis pas sûr que son équipe hétéroclite fasse l’affaire", confie-t-il à J.A.
Mûri
Jusque-là pourtant, Buhari a accompli un tour de force : rallier un grand nombre de "transhumants" – des déçus de Jonathan, ou des opportunistes – et faire taire les ambitions personnelles. Pas évident, au sein de cet agrégat de formations qui composent le All Progressives Congress !
"Nous avons mûri, et nos partis ont acquis de l’expérience", explique le général, qui assure que "les intérêts particuliers n’auront pas leur place" dans son gouvernement, dont la composition serait établie depuis plus d’un mois. Mais pour convaincre des gouverneurs du PDP de le rejoindre, il a été contraint à quelques concessions.
Bien qu’il ait été élu sur la promesse de lutter contre la corruption, il a dû, pour financer sa campagne, rassurer les investisseurs. Et renonce déjà à poursuivre les nombreux responsables politiques et hauts fonctionnaires soupçonnés de prévarication : "Je n’ai pas le temps pour ça", se justifie-t-il.
De leur côté, et en dépit de tous les efforts qu’ils ont déployés pour le prendre en défaut sur sa réputation d’intégrité, ses adversaires n’ont pu exhumer la moindre affaire le concernant. "Buhari n’est pas riche", s’écrient en choeur ses conseillers, qui louent sa frugalité et rappellent que c’est justement cette qualité qui lui a valu d’être plébiscité par ses compatriotes.
Face à la menace jihadiste, cet ancien putschiste devenu "new born democrat" semble décidé à opter pour la manière forte. Et fustige la passivité dont Jonathan a, selon lui, fait preuve. "La coalition anti-Boko Haram aurait dû être formée il y a cinq ans. J’aurais approfondi les relations avec le Niger, le Cameroun et le Tchad, comme lorsque j’étais à la tête de l’État [entre 1983 et 1985].
Car en développant les échanges, économiques ou culturels, et en assurant la sécurité, on favorise aussi le développement." "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour rebâtir mon pays sur des bases solides. S’il faut quatre années de plus et que les Nigérians et mon parti me le demandent, je resterai quatre années de plus", poursuit-il. À l’évidence, celui qui a attendu trente ans de revenir au pouvoir et s’était déjà porté trois fois candidat (en 2003, en 2007 et en 2011) compte rattraper le temps perdu.
>> A voir aussi : DIAPO : Retour en images sur la victoire de Muhammadu Buhari à la présidentielle
Le secret d’un scrutin réussi ?
La biométrie a été la clé de la réussite de la présidentielle au Nigeria. Le but ultime d’une élection étant l’acceptation des résultats par tous, notamment par les perdants. Son introduction a permis d’instaurer plus de confiance dans le processus en singularisant chaque électeur, limitant ainsi doublons et inscriptions multiples. Plusieurs pays du continent ont déjà adopté la "biométrisation" des données électorales, tandis que d’autres s’apprêtent à la mettre en place en dépit de son coût élevé. Ce procédé est perçu comme une évolution positive, même s’il n’est pas exempt de tout reproche. La simple compilation des empreintes digitales ne permet pas, par exemple, de détecter tous les doublons, ce qui induit une marge d’erreur que certains acteurs politiques ont du mal à accepter. Enfin, la vérification a un coût que les États hésitent souvent à assumer.
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