Nigeria is back !
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 7 avril 2015 Lecture : 2 minutes.
Géant africain dont la trajectoire est un perpétuel pied de nez aux amateurs de projections et de certitudes, le Nigeria n’est jamais là où on l’attend. Toujours sur la corde raide. Avant l’élection présidentielle du 28 mars, les haruspices lui prédisaient le pire. Dans un contexte aussi angoissant, même Shoyo Daishi, le grand maître japonais du zen, se serait senti un peu fébrile. Et pourtant, de Kano à Lagos et à Abuja, quelle leçon viennent de nous donner les 170 millions de Nigérians ! Le nouveau chef de l’État, Muhammadu Buhari, 72 ans, l’a dit lors de sa première déclaration : "Notre pays vient enfin de rejoindre la communauté des nations qui ont réussi une alternance pacifique par les urnes, à l’issue d’un scrutin libre et équitable." Cet ancien putschiste (il était à l’époque quadragénaire) qui embastilla le mythique Fela Kuti fut à trois reprises candidat malheureux à la présidentielle. Jamais jusqu’ici il ne s’était signalé par une exceptionnelle ouverture d’esprit, ce qui prouve simplement qu’il est possible de changer à tout âge. Et qu’un homme politique n’est jamais vraiment fini. Mais c’est maintenant que le plus dur commence. Goodluck Jonathan, le président sortant, a reconnu sa défaite avant qu’elle ne soit officiellement annoncée et, beau joueur, a appelé Buhari pour le féliciter. En somme, il aura attendu le jour de sa défaite pour enfin se comporter en chef d’État. Très attentif à la santé du patient nigérian, Mo Ibrahim tient peut-être en lui le récipiendaire de son prix 2016…
Autre héros de cette leçon de démocratie : Attahiru Jega (58 ans), le président de la Commission électorale indépendante. Ce professeur de sciences politiques est un négociateur pugnace, peut-être pas toujours très serein, mais d’une parfaite intégrité. C’est lui le grand artisan de ce scrutin historique. Enfin, et surtout, saluons le comportement de bout en bout exemplaire des électeurs nigérians, avant comme après leur passage dans l’isoloir. On redoutait de sanglantes émeutes, on navigue aujourd’hui entre espoir et euphorie. Bien sûr, en dépit de clichés tenaces, ce n’est pas la première fois qu’une alternance démocratique a lieu sur le continent. Battu à la régulière par Nicéphore Soglo en 1991, le Béninois Mathieu Kérékou fut le premier à quitter le pouvoir de son plein gré. Depuis, une bonne trentaine de dirigeants ont soit respecté le verdict des urnes, soit refusé de triturer leur Constitution pour jouer les prolongations (parfois contraints).
La démocratisation de l’Afrique n’est donc pas un mirage, mais elle demeure fragile. Est-elle appelée à se consolider ? Ou est-elle au contraire menacée de terribles retours en arrière ? Les prochains grands tests auront notamment lieu au Burundi, au Bénin, au Congo-Brazzaville, au Rwanda et en RD Congo. Les temps changent, les mentalités aussi. Pour les démocrates africains, la leçon d’Abuja constitue un formidable appel d’air. Les populations se montrent plus vigilantes, plus exigeantes (lire notre enquête sur les nouveaux opposants, pp. 30-35). La communauté internationale, aussi. Le jour même de la victoire de Buhari, Barack Obama a appelé Joseph Kabila pour lui demander de respecter la Constitution. C’était évidemment tout sauf un hasard.
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