Rwanda : Mani Martin, messager de paix
Après une enfance tourmentée et des années à poser sa voix dans une chorale de gospel, le chanteur rwandais Mani Martin entend bien prendre la parole sur des questions politiques.
Oser. Depuis le début de sa jeune carrière de chanteur, il ne fait que ça : oser. Dernière illustration en date : lors du Festival Amani, organisé du 13 au 15 février à Goma, dans l’est de la RD Congo. Mani Martin, 26 ans, a littéralement enflammé la foule en rendant un vibrant hommage posthume à Mamadou Ndala, officier de l’armée congolaise qui a incarné la victoire historique des FARDC sur la rébellion du M23.
Une prise de position surprenante pour un chanteur rwandais, lorsque l’on sait les soupçons qui pesaient sur le soutien apporté par Kigali à ce groupe armé, défait fin 2013. Pas suffisant pour dissuader le natif de Rusizi, dans l’ouest du Rwanda. "Ce n’est pas un point de vue politique, mais le ressenti d’un artiste qui milite pour le retour de la paix dans la région des Grands Lacs", soutient-il.
Dans un calme qui n’a d’équivalent que celui des eaux du lac Kivu. Imperturbables, comme l’artiste. Né Maniraruta, "Dieu tout-puissant" en kinyarwanda, Mani Martin a pourtant connu une enfance tourmentée. Il en garde aujourd’hui encore les séquelles et peine à en parler. Sa voix tremble lorsque l’on évoque ses parents. Et dans ses yeux des larmes sont en embuscade, prêtes à couler. Son père et sa mère sont morts alors qu’il n’avait que 6 ans.
Victimes du génocide de 1994 ? Il ne préfère pas s’y attarder, se contentant d’expliquer qu’il a été ensuite recueilli dans un orphelinat de Kigali, puis par une tante. Pour tenir le coup, le garçonnet se tourne tôt vers la chanson. "J’apprenais par coeur les tubes de Cécile Kayirebwa", se remémore Mani Martin. Et une fois à l’école, de sa voix flexible, il s’amusait à interpréter les mélodies de cette icône de la musique rwandaise. Remarquant son talent, l’un des instituteurs l’encourage à devenir chanteur. Il n’a que 9 ans, mais cela ne l’empêche pas de faire ses premiers pas dans une chorale de gospel pentecôtiste de la capitale rwandaise. En 2005, il sort son premier single : Urukumbuzi, "la nostalgie".
La chanson fait sensation, d’autant que le message d’espoir que Mani Martin veut faire passer ne peut laisser indifférents ses compatriotes. "Après le génocide, on comptait beaucoup d’orphelins, de prisonniers, de veuves… Urukumbuzi est venu dire à tous ces gens qu’il y avait une vie meilleure à venir", commente son auteur, qui sera élu, dans la foulée, meilleur artiste postgénocide par une radio locale.
Église
Après son bac, Mani se sent pousser des ailes et décide de faire de sa passion une profession. Plus question de rester cantonné au gospel : "Je voulais chanter pour tout le monde, car je ne suis pas né pour appartenir à un groupe", affirme l’artiste. La pilule ne passe pas à l’église pentecôtiste. Le divorce est consommé lorsque, en 2009, le chanteur lance le single Icyodupfana, jugé "très politique" par son pasteur.
"Pourtant, c’était un message de paix qui mettait en avant la cohésion et dénonçait le racisme, les séparations Hutus-Tutsis…", se défend encore aujourd’hui le jeune chanteur engagé. Mais l’occasion est belle pour s’émanciper de l’Église. Il monte alors Kesho Band, son groupe d’accompagnement. Premier objectif : révolutionner la scène musicale rwandaise.
"Avant, il n’y avait que des playbacks. Nous, nous avons décidé de commencer à jouer en live dans des concerts, se vante Mani Martin. Aujourd’hui, d’autres artistes rwandais ont suivi la voie." Prochain défi : se faire connaître en dehors des frontières régionales. Son prochain album sera enregistré cette année en France. Une fenêtre ouverte pour le début d’une carrière internationale ? Mani y croit.
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