Afrique du Sud : Wits veut sa part d’universalité
Grâce à ses liens privilégiés avec le secteur privé et la qualité de sa recherche, l’université s’est construit une solide réputation. Elle joue désormais la carte de l’internationalisation.
Fondée en 1896 lors de la ruée vers les mines du centre de l’Afrique du Sud, l’université du Witwatersrand n’a rien perdu de sa superbe. En cette fin de printemps austral – et de période d’examens -, les jacarandas en fleurs encadrent les bâtiments de style anglais répartis sur 160 ha. Ils datent de la réinstallation de l’université à Johannesburg, en 1904, après la découverte de gisements d’or dans la région. Aujourd’hui, pas moins de 28 000 étudiants fréquentent les cinq facultés de l’établissement anglophone. Plus libérale que ses consoeurs enseignant en afrikaans, « Wits » a notamment accueilli sur ses bancs Nelson Mandela, qui y acheva ses études de droit, et trois autres Prix Nobel : Aaron Klug (chimie), Sydney Brenner (médecine) et Nadine Gordimer (littérature).
Réputée d’abord pour former d’excellents ingénieurs (notamment miniers), l’institution s’est fait un nom en diplômant les capitaines d’industrie, les avocats et les scientifiques. Aujourd’hui, la prestigieuse Wits Business School, classée au 55e rang mondial par le quotidien britannique Financial Times, est fréquentée aussi bien par les cadres de l’industrie que par ceux des services. Toutes disciplines confondues, Wits est la deuxième université sud-africaine dans le classement de Shanghai comme dans celui du Times Higher Education, derrière son éternelle rivale, l’université du Cap (UCT). « Il y a toujours eu un antagonisme entre l’UCT, fréquentée par la bourgeoisie aisée du pays et qui compte encore 50 % de Blancs, et Wits, établissement de la classe travailleuse et du monde industriel, à 80 % noir », note Nhlanhla Cele, responsable du plan stratégique de Wits.
Les liens tissés avec les entreprises expliquent pour une large part la place de l’université dans les palmarès. L’établissement profite de sa localisation dans le quartier de Braamfontein, à proximité du centre-ville et des sièges des multinationales. Plusieurs bâtiments du campus ont été financés grâce aux dons d’industriels locaux comme Anglo American ou De Beers. Le minier Gold Fields et le pétrolier Total ont noué des partenariats avec l’université afin d’assurer des formations pour leurs ingénieurs africains.
Wits s’appuie aussi sur les missions économiques étrangères. « J’ai pu profiter d’un séminaire consacré à la géologie minière africaine payé par le gouvernement australien », témoigne le Camerounais Alain-Pierre Tokam, doctorant en sismologie. Enfin, l’institution peut compter sur son puissant réseau de 78 000 anciens élèves. Parmi eux, les patrons Ivan Glasenberg (Glencore), Patrice Motsepe (African Rainbow Minerals), Sol Kerzner (Sun International) et Maria Ramos (Absa Group).
L’internationalisation vient en première place des objectifs que l’université s’est assignés. « Nous voulons atteindre à l’horizon 2015 une proportion d’étudiants étrangers de 20 %, et de 30 % en 2022 », annonce Nhlanhla Cele. Le chemin à parcourir est encore long. En 2012, seuls 8,1 % des effectifs n’étaient pas sud-africains. Les élèves d’Afrique australe représentent 67 % des étudiants étrangers, mais les Congolais (147 étudiants), les Rwandais (55) et les Camerounais (28) sont également nombreux.
« La plupart d’entre eux sont arrivés en Afrique du Sud par leurs propres moyens et financent eux-mêmes leurs études. Ils ont un bon niveau d’anglais, validé par un diplôme comme le Toefl », prévient Samia Chasi, directrice des relations internationales. Une réalité confirmée par les francophones rencontrés sur le campus : « J’ai vécu trois ans dans le pays avant de maîtriser suffisamment la langue et de pouvoir entrer à Wits », indique le Congolais Alain Mufula, titulaire d’une maîtrise de l’université de Lubumbashi, qui paie sa deuxième année de doctorat en physique grâce à un poste d’assistant dans un laboratoire.
Échanges
« Il est difficile d’augmenter à la fois le nombre de Sud-Africains noirs à Wits, un objectif assigné et financé par le ministère de l’Éducation, et celui des étudiants étrangers, pour lesquels nous n’avons pas de crédits », reconnaît néanmoins Nhlanhla Cele. « Pour le moment, nous n’avons pas assez de candidats sud-africains aux études à l’étranger pour organiser de véritables échanges, notamment au-dessous de la licence », précise Samia Chasi, qui parie davantage sur des partenariats au niveau master et entre doctorants. « Avec le projet Wits African Footprint, nous avons tissé depuis 2006 un réseau d’universités africaines anglophones et sélectionné une soixantaine de projets de recherche à mener ensemble », ajoute-t-elle.
La recherche est un domaine où l’université veut continuer de briller. « Nous avons sélectionné six thèmes d’excellence [mines et géologie, urbanisme, biologie moléculaire, épidémiologie, sciences de l’évolution et changement climatique, NDLR] où Wits doit être une référence mondiale grâce à six instituts lancés en 2011 », détaille Nhlanhla Cele. Pour les faire rayonner et les doter financièrement, l’institution compte là encore sur ses liens avec le secteur privé. « Dans le domaine minier, nous avons les meilleurs spécialistes du pays », se félicite Nielen Van der Merwe, directeur du Wits Mining Research Institute, qui espère ainsi s’attirer le soutien des groupes miniers pour financer ses programmes.
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