Croissance africaine : des chiffres officiels en deçà de la réalité
Sebastian Mallaby est directeur de la chaire d’économie internationale au Council on Foreign Relations (États-Unis).
Au départ, on doutait que la croissance au sud du Sahara s’inscrive dans la durée. Mais après une douzaine d’années de progrès ininterrompu malgré la crise mondiale, cette inquiétude s’est évanouie. Le renouveau ne découlerait pas simplement de découvertes pétrolières : le Fonds monétaire international (FMI) rapporte que la croissance subsaharienne hors pétrole a atteint une moyenne annuelle de 5,4 % ces cinq dernières années.
Or les chiffres officiels minimisent probablement la réalité africaine. Il y a deux ans, le Ghana a rectifié une erreur dans le mode de calcul de son PIB, qui prenait uniquement en compte l’activité dans les secteurs bien établis, en omettant ceux en plein essor tels que la téléphonie mobile. Résultat : son PIB a décollé de plus de 60 %. Le Nigeria s’apprête à faire de même, avec des conséquences qui pourraient être aussi spectaculaires, faisant s’envoler de 15 % l’estimation du PIB pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.
De même, les enquêtes auprès des ménages prenant en compte des indicateurs tels que la qualité du logement, la santé et l’éducation suggèrent que la consommation au sud du Sahara s’est accrue de 3,5 % par an ces vingt dernières années. Soit plus de trois fois plus vite que ne l’indiquaient les comptabilités nationales. Les statistiques de mortalité infantile sont l’indicateur le plus positif de tous : entre 2005 et 2010, le taux de mortalité chez les moins de 5 ans au Sénégal est passé de 12,1 % à 7,2 %. Le Rwanda et le Kenya ont fait presque aussi bien. L’Inde a mis vingt-cinq ans pour en arriver là.
Comment expliquer ces progrès ? Par le cours des matières premières et la montée de la Chine comme consommateur et investisseur, en grande partie. Mais aussi par l’amélioration du ratio des adultes actifs et la révolution de la téléphonie mobile.
Les success-stories sont bien plus impressionnantes que ne le suggèrent les moyennes africaines.
La progression du continent n’a pas été uniforme. Qu’importe. Les success-stories sont bien plus impressionnantes que ne le suggèrent les moyennes africaines. Certaines vedettes de ce décollage économique – Angola, Nigeria et Tchad – doivent leur progression au pétrole. D’autres se relancent après une guerre civile. Le Mozambique est un exemple de pays en paix depuis le début des années 1990, ne produisant pas encore de pétrole mais dont le PIB par habitant a pourtant décollé de 4,8 % chaque année entre 1995 et 2010 ; dans ce laps de temps, la part de l’agriculture dans le PIB a chuté de 42 % à 26 % pendant que l’industrie, la construction et les services connaissaient la tendance inverse. De son côté, le paisible Ghana affiche un respectable 2,6 % de croissance annuelle.
Il y a moins de vingt ans, il était communément admis que les pays enclavés, divisés ethniquement et en proie aux maladies tropicales n’avanceraient jamais. Aujourd’hui, cette vision fataliste a fait long feu.
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