Le mandarin n’est plus bling-bling

La guerre contre la corruption commence à porter ses fruits. Les privilégiés du régime s’abstiennent désormais d’exhiber leurs richesses. Et les géants européens du luxe s’inquiètent. Enfin, un peu.

Les ventes de la marque de luxe Gucchi ont reculé en Chine. © Anthony Wallace/AFP

Les ventes de la marque de luxe Gucchi ont reculé en Chine. © Anthony Wallace/AFP

Publié le 6 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

Plus question de s’afficher avec une montre de luxe ou d’arborer un sac griffé. Terrorisés à l’idée de se voir reprocher leurs coûteuses extravagances, les cadres du Parti communiste font profil bas. Leur nouveau mot d’ordre : surtout, ne pas se faire remarquer !

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La corruption, les enveloppes bourrées d’argent liquide, les cadeaux hors de prix… Tout cela a longtemps été la norme en République populaire. À l’évidence, c’est fini. "Désormais, explique un homme d’affaires français, mes interlocuteurs refusent tout cadeau et évitent même de se retrouver seul avec moi dans un restaurant. Être soupçonné de corruption, même passive, c’est l’assurance de se retrouver en prison."

De fait, 80 000 ex-cadres du Parti communiste chinois (PCC) sont actuellement incarcérés pour corruption. Parmi eux, 74 ex-patrons de grandes entreprises publiques. Quarante pour cent de plus que l’an dernier ! Victimes indirectes de cette vertueuse croisade : les entreprises françaises. Pour la première fois, le marché chinois du luxe a enregistré en 2014 un recul de son chiffre d’affaires.

"Plus vous montez en gamme, plus les chutes sont importantes, explique Michaël Amouyal, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie française en Chine. On s’attend à une baisse des ventes de cognac comprise entre 50 % et 60 %. Et à 20-30 % pour le vin. Beaucoup de budgets de représentation sont bloqués, le système des affaires ne fonctionne plus comme avant."

"Les campagnes anticorruption ont un impact considérable. Elles sapent la tradition des cadeaux luxueux", lit-on dans le rapport annuel de Bain & Company, un cabinet de conseil spécialisé. De plus ou moins bonne grâce, de nombreux responsables ont été contraints de renoncer aux tapis rouges, aux banquets interminables, aux spiritueux haut de gamme, aux petits cadeaux qui, dit-on, entretiennent l’amitié… Ces pratiques représentaient un tiers du marché local du luxe. Elles ont aujourd’hui presque disparu.

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Pour les géants du secteur, l’Asie n’est plus le paradis des années 2010-2012. Les ventes du groupe français LVMH, numéro un mondial et propriétaire des marques Louis Vuitton, Givenchy, Dior, Guerlain, Tag Heuer et bien d’autres, ont globalement reculé de 1 % en Asie.

De même, le groupe suisse Richemont a constaté au troisième trimestre de son exercice 2014-2015 décalé une chute de 12 % de ses ventes dans la région Asie-Pacifique, en particulier à Hong Kong et à Macao. Les chiffres d’affaires et prévisions de résultats des britanniques Burberry et Mulberry, ainsi que de l’italien Prada, montrent également des signes de tassement.

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Pied d’égalité

Les grandes marques tentent de s’adapter en se concentrant sur les riches consommateurs du secteur privé. Rémy Martin (cognac, champagne) multiplie par exemple les dîners privés destinés à faire déguster discrètement son célébrissime Louis XIII à une clientèle triée sur le volet. Les ventes de la marque en Chine représentent selon les analystes environ 20 % de son chiffre d’affaires et entre 30 % et 35 % de son résultat opérationnel.

"Je vois quand même un aspect positif à cette campagne anticorruption, commente Michaël Amouyal, c’est qu’elle a permis d’assainir le système. Les marchés avec les collectivités locales et les services publics ne se gagnent plus à coups de dessous-de-table et de cadeaux luxueux."La Chambre de commerce considère que ces pratiques – on l’espère – révolues s’apparentaient à de l’extorsion de fonds. Et que la remise à plat du système place désormais les entreprises chinoises et étrangères sur un pied d’égalité. Les experts s’attendent à deux ou trois années difficiles avant une reprise du marché.

"Les entreprises doivent désormais se concentrer sur la classe moyenne supérieure et mettre de côté les caciques du régime", conclut Amouyal. La clientèle chinoise reste celle qui progresse le plus rapidement, mais elle dépense à l’étranger trois fois plus que chez elle. Pour la faire revenir au bercail, Chanel vient d’aligner ses prix chinois sur ceux pratiqués à l’étranger.

Ceux des célèbres sacs à main de la marque ont ainsi baissé de 20 % en vingt-quatre heures à Hong Kong, ce qui a aussitôt déclenché une poussée de fièvre consumériste.

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