Burundi : contre Nkurunziza, la fronde marque des points
À deux mois des élections, le président Nkurunziza a fort à faire. Contesté au sein même de son parti, il a aussi dû assister, impuissant, à l’évasion de son grand rival, Hussein Radjabu.
C’est un coup dur pour Pierre Nkurunziza. À moins de deux mois des élections (les législatives sont prévues le 26 mai et la présidentielle suivra un mois plus tard), le chef de l’État est contesté au sein de son propre parti, le Conseil national de défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), dont les membres se déchirent autour de la question de la constitutionnalité d’une nouvelle candidature du président en exercice.
Depuis le 22 mars, une pétition circule. Initialement signée par dix-sept cadres du parti, elle appelle Nkurunziza à renoncer à un troisième mandat. Et parmi les frondeurs, deux personnalités dont la défection n’augure rien de bon : Léonidas Hatungimana, qui n’est autre que le porte-parole de Nkurunziza, et Onésime Nduwimana, qui exerçait, jusqu’à son récent limogeage, les mêmes fonctions au CNDD-FDD.
>> A lire aussi : Pierre Nkurunziza : vers un troisième mandat ?
La situation au Burundi est donc confuse, et l’évasion rocambolesque de Hussein Radjabu, l’ancien mentor du chef de l’État, ne risque pas de clarifier la situation. Les deux événements ne sont pas forcément liés – même si le timing fait jaser à Bujumbura -, mais constituent des revers dont Nkurunziza se serait bien passé.
Radjabu a assuré être "parti dignement, tranquillement et en toute sécurité" de la prison de Mpimba.
Condamné en avril 2008 à treize ans de prison pour complot contre la sûreté de l’État et incarcéré depuis à la prison centrale de Bujumbura, Hussein Radjabu, 49 ans, a conservé un pouvoir de nuisance, et la facilité avec laquelle il s’est évadé, début mars, laisse penser "qu’il a bénéficié de complicités au plus haut niveau", estime un officier des renseignements burundais.
Hussein Radjabu, son garde du corps et son intendant se sont en effet fait la belle en pleine nuit, affublés d’uniformes de matons, emmenant avec eux trois gardiens, dont le brigadier chargé de la sécurité de la prison de Mpimba, qui, avant de filer, a jeté les clés de la prison au pied de la guérite d’entrée… Par la suite interviewé par les médias, Radjabu a confirmé être "parti dignement, tranquillement et en toute sécurité". Presque sous le feu des projecteurs de Mpimba… si ces derniers n’avaient pas été éteints par une coupure de courant bien opportune.
La disparition du prisonnier n’a été constatée que le lendemain. Pour masquer son embarras, le gouvernement a d’abord laissé circuler la rumeur d’un possible enlèvement, avant que Radjabu donne signe de vie une semaine plus tard, via un appel depuis un téléphone tanzanien.
"Le pays était trop petit pour qu’il puisse s’y cacher", assure notre source au sein des renseignements burundais. Il l’était déjà en 2005, lorsque les deux hommes forts de l’ancienne rébellion hutue se sont partagé le pouvoir : la présidence pour Nkurunziza et le CNDD-FDD pour Radjabu. "Mais l’influence de Hussein a vite pesé sur la bonne marche du gouvernement", rappelle Richard Nimbesha, ancien cadre du parti. Radjabu a été destitué en 2007 et jugé un an plus tard.
Quarteron de généraux
"Leurs entourages respectifs ont largement contribué à la détérioration de leurs relations", reprend le membre des "services". Radjabu, qui passait pour le stratège – charismatique bien qu’autoritaire – du binôme qu’il formait avec Nkurunziza, a-t-il conservé une influence réelle sur le parti présidentiel ? Cela reste à démontrer, mais la perspective de le voir revenir dans le jeu à quelques semaines des élections complique la tâche de Nkurunziza, qui peine à resserrer les rangs autour de lui. À moins que le quarteron de généraux qui contrôle le parti ne pèse de tout son poids pour ramener les frondeurs dans le droit chemin avant le congrès du CNDD-FDD, attendu en avril.
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