Guinée : l’évangile selon Mgr Sarah
En publiant un ouvrage clairement conservateur, le cardinal guinéen prend position contre la pensée progressiste du pape François. Au risque de susciter des tensions au sein du Vatican ?
On peut dire qu’il n’a pas la langue dans sa poche… Dans l’ouvrage qu’il vient de publier, Dieu ou rien, entretien sur la foi (éditions Fayard), le cardinal guinéen Robert Sarah, quatrième personnalité de la Curie, affirme des positions bien tranchées sur l’Église et sur la manière d’affronter les défis actuels.
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Ce livre de 400 pages au titre prometteur et sentencieux débute par une attendrissante mise en bouche : la naissance de la vocation sacerdotale du prélat alors qu’il n’a que 11 ans, les heures au fond d’une cale de bateau en direction du petit séminaire de Bingerville (Côte d’Ivoire), les années lorraines, coupé de ses parents, son accession à l’archevêché à seulement 34 ans, les relations tendues avec le régime dictatorial de Sékou Touré…
Vient ensuite le véritable objet du livre : l’exhortation à renouer avec le sacré. "Sans Dieu, l’homme construit son enfer sur Terre." Et la dénonciation du diktat occidental sur bien des sujets sociétaux. L’accès aux sacrements pour les divorcés remariés ? Pour Sarah, pas question. L’avortement ? "Une guerre déclarée contre la vie", voire "une planification bien étudiée pour éliminer les pauvres en Afrique et ailleurs".
Quant à la théorie du genre, le cardinal Sarah n’y voit pas d’avenir possible : "L’idée d’une identité construite nie de façon irréaliste l’importance du corps sexué." Les homosexuels ? "Une chose est de respecter véritablement les personnes homosexuelles, qui ont droit à un authentique respect, et une autre de promouvoir l’homosexualité comme un modèle social."
Mauvais augure
Pour lui, "l’Occident se fourvoie dans ses illusions en croyant que le libéralisme moral permet un progrès de la civilisation". Et de déplorer que le monde se laisse hypnotiser par le modèle occidental. "L’Afrique et l’Asie doivent absolument protéger leurs cultures et leurs valeurs propres." Pour l’historien des religions Odon Vallet, l’ouvrage de Robert Sarah est plus politique qu’il n’y paraît. Le cardinal rejette en effet toute idée de changement au sein de l’Église, ce qui est de nature à gêner le souverain pontife. Dès lors, il apparaît comme l’un des premiers opposants au pape François qui, lui, prône une nette évolution.
Ce qui est de mauvais augure pour le prochain synode sur la famille, en octobre : Robert Sarah est à la tête de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, une instance majeure au Vatican.
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