Talbi le fou, Talbi le sage

Fawzia Zouria

Publié le 23 mars 2015 Lecture : 2 minutes.

Après avoir soutenu que la prostitution n’est pas interdite en islam, l’historien et islamologue tunisien Mohamed Talbi (voir interview dans J.A n° 2793) vient de soulever une nouvelle polémique en affirmant, sur une chaîne de télévision tunisienne, que l’islam n’interdit pas le vin. Oui, oui, vous avez bien entendu, l’islam autorise l’alcool ! Talbi défie quiconque de trouver une interdiction précise dans le Coran ; quant à la sunna, il renvoie à la séquence où le Prophète demande à son épouse Aïcha de "lui apporter du vin de la mosquée".

Panique dans la demeure !

la suite après cette publicité

Coma éthique ! La planète Islam chavire ! Je vous épargne l’émotion de milliers de croyants furieux du Maghreb au Machrek pour qui la sortie de l’historien c’est la fin des temps – ce qui ne les empêchera pas de finir leur journée devant un whisky. Restons sur la scène tunisienne, endeuillée par les tragiques événements de ce 18 mars. "Provocation" et "hérésie", ont crié de concert les théologiens locaux ; "ignorance" et "vieillesse", ont diagnostiqué les pseudo-intellectuels, "publicité pour l’alcool", ont avancé les esprits mercantiles.

"On ne peut laisser n’importe qui faire de l’exégèse, ce n’est pas un jeu avec lequel on s’amuse. Il faut posséder toutes ses facultés intellectuelles et psychiques pour se le permettre, ce qui n’est pas le cas de Talbi", a tonné un certain Badri Madani. Le "zitounien" Farid al-Béji a accusé l’islamologue et excellent arabisant de mal interpréter les sources en confondant le mot "khamra" ("vin") avec "khumra" (natte en osier servant à la prière), pour ce qui est de la séquence avec Aïcha. Abdelfattah Mourou, vice-président d’Ennahdha et fin stratège, a demandé au ministère de la Culture d’assurer la protection et la dignité du pauvre homme en l’empêchant de se ridiculiser dans de telles apparitions publiques. Plus insidieux, tu meurs !

"Ce genre de sujet ne se débat pas à la télévision, a-t-il ajouté, il est trop sérieux pour servir de divertissement !" Le mufti de la République, Hamda Saïed, a voulu quant à lui siffler la fin de la récréation en se fendant d’un communiqué officiel : "Il n’y a aucun doute quant à l’interdiction par l’islam du vin et de toutes sortes d’alcool. Il ne peut y avoir de discussion à ce sujet." Fermez le ban. Il a eu le culot d’ajouter : "Le problème de la Tunisie est celui du terrorisme et non pas ce genre de question", comme si le terrorisme ne se basait pas, entre autres, sur une lecture rigide ou tronquée des sources.

Talbi au tapis ?

la suite après cette publicité

Certes non, car l’homme est l’auteur d’une oeuvre immense qui se lira encore quand ses détracteurs seront depuis longtemps morts et enterrés. Talbi sénile ? Lorsqu’on a vu l’homme, comme ce fut mon cas, il y a quelques mois à peine, l’on peut témoigner que, malgré ses 93 ans, il demeure en pleine possession de sa mémoire et de son savoir, et que si l’âge a influé sur sa parole, c’est pour la rendre plus courageuse et plus libre que jamais. Talbi fou ? C’est sans doute la dernière parade trouvée par les enturbannés pour continuer à fermer la porte de l’exégèse à ceux qui entendent s’y atteler pour de bon. Triste à se saouler la gueule !

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires