Bénin : ces hommes politiques qui ont foi en leur étoile
Certains roulent pour Thomas Boni Yayi, d’autres sont en rupture de ban avec le pouvoir ou opposants de longue date. Tous ont un objectif commun : peser sur les prochains scrutins. Directement ou en coulisses.
Sacré Bénin !
Vingt cinq ans après la Conférence nationale qui fut un modèle pour toute l’Afrique francophone, le laboratoire bouillonnant de la démocratie béninoise a du vague à l’âme.
Marcel de Souza
Le ministre du Développement, de l’Analyse économique et de la Prospective, 61 ans, est un proche du chef de l’État, qui sait pouvoir toujours compter sur lui. En tant que membre du gouvernement et président du Front républicain pour une alternative patriotique (Frap), Marcel de Souza participe activement à la campagne des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE, coalition de la majorité) pour les législatives. Ami de longue date du président béninois, entré comme lui à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en 1978, avant d’en devenir le directeur pour le Bénin, de Souza était le porte-parole du candidat Boni Yayi pendant la dernière campagne présidentielle. Issu d’une grande famille de Ouidah aux origines portugaises, Marcel de Souza est le neveu de feu Mgr Isidore de Souza, ancien archevêque de Cotonou, et le frère aîné de Chantal Yayi, l’épouse du chef de l’État. C’est d’ailleurs par son intermédiaire que le couple s’est rencontré.
Komi Koutché
À 38 ans, Komi Koutché ne pourra pas se présenter à la présidentielle de 2016, l’âge minimum requis pour se porter candidat étant de 40 ans. Pourtant, beaucoup l’y verraient bien. Cet économiste, expert en microfinance, est aujourd’hui considéré comme l’étoile montante de la politique béninoise. Promu ministre des Finances en août 2014 (il détenait auparavant le portefeuille de la Communication), l’actuel numéro trois du gouvernement bénéficie de la confiance du chef de l’État, qui le consulte très régulièrement. Certains disent même qu’il est l’un des derniers fidèles de Boni Yayi. Koutché tente de se forger une image d’homme de consensus. À son crédit : l’adoption du budget 2015 par l’Assemblée nationale, presque à l’unanimité, en plein contexte de crise entre l’exécutif et le Parlement.
Komi Koutché. © DR
Mathurin Coffi Nago
Président de l’Union pour le progrès et la démocratie (UPD-Gamesu) et de l’Assemblée nationale (depuis 2007), Mathurin Coffi Nago, 65 ans, a longtemps été considéré comme l’un des possibles dauphins de Boni Yayi. Originaire de Bopa, dans le Mono (Sud-Ouest), l’ex-doyen de la faculté des sciences agronomiques de l’université d’Abomey-Calavi a été ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de 2006 à 2007, avant d’être élu député sous l’étiquette des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), qui soutiennent Boni Yayi. Mais ses relations avec l’exécutif se sont dégradées, notamment depuis le rejet du budget 2014 par l’Assemblée.
Et elles sont devenues glaciales en septembre, après que Coffi Nago est monté au créneau pour dénoncer la mauvaise gestion des travaux d’une bretelle routière à Bopa (lancés et financés il y a trois ans, mais jamais exécutés). Des prises de position qui ont rendu le deuxième personnage de l’État plus populaire auprès des députés de l’opposition que de l’exécutif et des FCBE… dont il a démissionné le 12 février, presque sans surprise, aux côtés de trois autres députés, dont Roger Dovonou, l’ancien ministre de l’Agriculture, et Hélène Aholou Kèkè, la présidente de la commission des lois. Il a formé avec cette dernière une liste Force des démocrates unis (FDU) pour les législatives du 26 avril, et ne cache plus ses ambitions pour la présidentielle.
Pascal Irénée Koupaki
Technocrate, pas forcément très charismatique, Pascal Irénée Koupaki, 63 ans, est néanmoins connu pour son franc-parler. Après une carrière à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et au Fonds monétaire international, il a été de tous les gouvernements de Boni Yayi depuis 2006, d’abord à l’Économie, puis à la Prospective et à l’Évaluation des politiques publiques. Jusqu’à ce que le chef de l’État le nomme à la primature, en mai 2011. Depuis qu’il a quitté son poste de Premier ministre en août 2013, "PIK" ne chôme pas. Il multiplie les déplacements en province, au cours desquels il explique son engagement pour l’émergence d’une "nouvelle conscience", c’est-à-dire la naissance d’un Béninois nouveau. Un savant mélange de justification de son bilan au gouvernement et de programme politique, qu’il présentait déjà dans deux petits livres bleus publiés en octobre 2013 et en juin 2014, alors qu’il était encore aux affaires.
Abdoulaye Bio Tchané
Nul doute qu’il faudra compter sur Abdoulaye Bio Tchané, 62 ans, et sur son mouvement, l’Alliance pour un Bénin triomphant (ABT), pour les scrutins à venir. Le banquier ne s’est pourtant véritablement lancé en politique que lors de la présidentielle de 2011 – où il est arrivé troisième, avec 6,14 % des suffrages exprimés. Ministre des Finances sous Mathieu Kérékou (1998-2002), dont il réunit désormais une bonne partie des fidèles, "ABT" a été directeur du département Afrique du Fonds monétaire international entre 2002 et 2008, avant d’être nommé à la tête de la Banque ouest-africaine de développement (2008-2011). L’éminent économiste est désormais président du cabinet de conseil ACI et, depuis 2013, de l’African Guarantee Fund (Fonds africain de garantie), créé par la Banque africaine de développement pour soutenir les PME.
Léhady Soglo
Fils aîné de Rosine Soglo et de l’ancien président Nicéphore Soglo (au pouvoir de 1991 à 1996), Léhady Vinagnon Soglo, 54 ans, est désormais le dépositaire de la Renaissance du Bénin (RB, l’un des principaux partis d’opposition), fondée par sa mère en 1992 et dont il a pris la présidence en septembre 2010. Il est aussi le premier adjoint de son père à la mairie de Cotonou depuis 2003. Mais son premier test en politique a été celui de la présidentielle de 2006, où il s’est présenté en tant que candidat de la RB – finissant quatrième avec 8,5 % des voix.
Depuis, Léhady Soglo n’a cessé de changer d’orientation. En 2010, l’Union fait la nation (UN), la coalition d’opposition dont la RB était membre, a choisi à une large majorité Adrien Houngbédji, le président du Parti du renouveau démocratique (PRD), comme candidat unique à la présidentielle de 2011. Même s’il s’est effacé pour soutenir ce dernier, Léhady Soglo n’a pas digéré l’affront.
Au lendemain du scrutin, en mai 2011, il a conclu un rapprochement avec Boni Yayi : en échange de la nomination d’un ministre issu de la RB, son parti acceptait de mettre à la disposition du chef de l’État ses neuf députés, afin de lui donner une majorité au Parlement. Après plusieurs attaques de membres de la majorité contre la gestion des Soglo à la mairie de Cotonou et de vives tensions sur le dossier brûlant de la révision de la Constitution, la lune de miel entre le chef de l’État et le leader de la RB a tourné court. Le 24 janvier, Léhady Soglo a annoncé le retrait de son parti de la mouvance présidentielle. Il n’a pas conclu d’alliance pour les législatives et exclut de rejoindre l’UN. De là à présager qu’il fera cavalier seul en 2016…
Léhady Vinagnon Soglo. © Vincent Fournier pour J.A.
Emmanuel Golou
Réélu en janvier à la tête du Parti social-démocrate (PSD), Emmanuel Golou, 60 ans, tenterait bien sa chance en 2016. Il devra toutefois s’imposer au sein de l’Union fait la nation (UN), coalition dont son parti est membre. Pour la présidentielle de 2011, l’UN avait soutenu la candidature unique d’Adrien Houngbédji, 73 ans, président du Parti du renouveau démocratique (PRD). Lequel était arrivé en deuxième position, avec 35,64 % des voix, derrière Thomas Boni Yayi. Président du comité Afrique de l’Internationale socialiste depuis mars 2013, Emmanuel Golou est doté d’une solide expérience politique. Engagé dans la lutte pour les libertés individuelles et syndicales depuis le lycée, membre fondateur du PSD en 1990 et député depuis les premières heures du multipartisme, cet économiste a été ministre de l’Énergie et des Mines au sein du gouvernement Houngbédji, de 1996 à 1998, sous la présidence de Mathieu Kérékou.
Emmanuel Golou. © Antoine Tempé pour J.A.
Robert Gbian
Directeur du service de l’intendance des Forces armées béninoises de 2001 à 2006, puis du cabinet militaire de Boni Yayi jusqu’à sa retraite, en avril 2012, Robert Gbian est, depuis, entré en politique. À 62 ans, il jouit de l’aura de l’"homme nouveau" et sans étiquette dont raffolent les Béninois. Il est par ailleurs bien introduit dans l’entourage et les réseaux des chefs de l’État de la sous-région. Natif de Bembèrèkè, dans le Borgou (centre), l’ancien intendant militaire est issu de l’ethnie bariba, majoritaire dans le nord du pays – comme l’était la mère du président Boni Yayi. Il se positionne donc en leader pragmatique et fédérateur pour le septentrion béninois, où il multiplie les rencontres avec les jeunes – qui le plébiscitent tout particulièrement – et où nombre d’ambitions s’affrontent, y compris celles de proches du président sortant, qui ne cachent pas leur agacement. Gbian va se présenter pour la première fois à une élection nationale le 26 avril : il a été choisi par l’Alliance Soleil (opposition) pour conduire sa liste aux législatives dans la 7e circonscription, qui regroupe les communes de Bembèrèkè, Kalalé, Nikki et Sinendé. Un test qui permettra au général de jauger sa cote de popularité.
Robert Gbian. © Fiacre Vidjingninou
Éric Houndété
Calme et mesuré, le juriste Éric Houndété, 51 ans, est l’un des parlementaires les plus assidus de l’hémicycle. Député depuis 2003 et président du groupe parlementaire de l’Union fait la nation (UN) depuis 2013, il ne cache plus ses ambitions présidentielles. En campagne depuis plusieurs mois, il s’efforce de rallier à son programme les différentes composantes de l’UN. Car, de même que celle d’Emmanuel Golou, sa candidature dépendra de la décision que prendra la coalition qui, comme en 2011, veut par-dessus tout présenter un front uni et un candidat unique en 2016.
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© PIERRE VERDY / AFP
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