Élections au Bénin : la valse des étiquettes

À un mois des législatives, majorité et opposition se réorganisent. Entre les retournements de veste et les alliances de dernière minute, on est pris de tournis.

L’ex-ministre Claudine Prudencio a rejoint l’Union fait la nation. © Facebook

L’ex-ministre Claudine Prudencio a rejoint l’Union fait la nation. © Facebook

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Publié le 3 avril 2015 Lecture : 5 minutes.

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Sacré Bénin !

Vingt cinq ans après la Conférence nationale qui fut un modèle pour toute l’Afrique francophone, le laboratoire bouillonnant de la démocratie béninoise a du vague à l’âme.

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Début d’année à Cotonou. Le soleil déclinant caresse le Palais de la Marina. Dans l’enceinte du nouveau bâtiment, un bataillon de la garde républicaine défile en rythme. Ses hommes chantent à l’unisson. À l’intérieur, tout ce que la présidence compte de stratèges et de conseillers s’affaire, à l’image du chef de l’État. Omniprésent dans la presse, en représentation permanente, il va serrer des mains ici, couper des rubans là, quand il n’est pas en visite dans une capitale régionale ou européenne. Le docteur (ès sciences économiques) Thomas Boni Yayi est en campagne, diront certains. D’autres objecteront que cette hyperactivité est dans sa nature.

Depuis quelques mois, ses ministres – il est à la fois chef de l’État et chef du gouvernement – lui ont emboîté le pas. Pas un week-end ne passe sans que l’un d’eux aille défendre le bilan de la majorité présidentielle en province. L’effervescence est tout aussi palpable dans les rangs d’une opposition en pleine recomposition. Car après deux ans de blocage, les échéances électorales vont se succéder à un rythme soutenu avec, en point d’orgue, la présidentielle de 2016. Selon le calendrier arrêté par la Cour constitutionnelle début janvier, le premier acte, celui des législatives, se jouera le 26 avril prochain ; le deuxième, celui des élections communales, municipales et locales (reportées depuis mars 2013), le 31 mai.

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Défections au sein des FCBE

Les enjeux du scrutin législatif sont énormes. D’abord, il va reconfigurer une Assemblée nationale dont le rôle politique n’a jamais été aussi prééminent. Ensuite, ses résultats révéleront les tendances et l’état des forces en présence à un an de la fin du second mandat de Boni Yayi. Autant dire que, dans le marigot politique, on a déjà commencé à redessiner le paysage. À tel point qu’il est aujourd’hui difficile de dire qui appartient à quel camp.

Au sein de la "majorité présidentielle plurielle" créée avant l’élection de 2011 autour de Boni Yayi, mais que celui-ci peine aujourd’hui à contrôler, les rangs se sont clairsemés. Une vingtaine de parlementaires l’ont quittée, déçus d’avoir été laissés pour compte par le chef de l’État ou estimant que leur proximité avec le pouvoir n’était plus aussi avantageuse. Résultat, les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) ne disposent plus que de 27 députés, contre 49 au moment de sa réélection. "Il y a eu un glissement depuis que le président a annoncé qu’il ne se représenterait pas en 2016", analyse l’un des proches conseillers de Boni Yayi.

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La difficulté avec laquelle ce dernier a composé la liste des FCBE pour les législatives montre que le président est de plus en plus isolé. Alors il s’appuie sur ses proches. Son épouse, Chantal Yayi-De Souza, est tête de liste dans la 5e circonscription ; son fils cadet, Chabi et son beau-frère, Marcel de Souza, ministre du Développement, sont les deux premiers sur la liste FCBE de la 16e circonscription.

L’alliance présidentielle espère cependant reconquérir la majorité au Parlement, en s’appuyant sur un dense réseau de maires, pour aborder le scrutin de 2016 en position de force. Mais certaines défections récentes au sein des FCBE vont lui compliquer la tâche. Comme celles, mi-février, de Mathurin Coffi Nago, président de l’Assemblée nationale, et d’Hélène Aholou Kèkè, présidente de la commission des lois, qui ont formé une liste commune pour les législatives : la Force des démocrates unis (FDU).

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La démission de Sacca Lafia pourrait avoir elle aussi de lourdes conséquences. Fin décembre 2014, sous la houlette du président du Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (COS-Lépi), douze députés de la majorité, tous du Nord, ont formé l’Alliance Soleil, dans le but affiché de contrer la mainmise du chef de l’État sur cette partie du pays. "Sacca Lafia était très important dans le dispositif Yayi. C’est une grosse perte pour lui", explique une influente communicante politique de Cotonou.

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Va-et-vient stratégique

Autre départ remarqué de cette majorité plurielle, celui de la Renaissance du Bénin (RB). Fondée par Rosine Soglo en 1992, alors que son époux Nicéphore était chef de l’État, et dirigée depuis 2010 par leur fils Léhady, la RB était l’un des principaux partis d’opposition et l’une des composantes de la coalition l’Union fait la nation (UN) – avec le Parti social-démocrate (PSD) et le Parti du renouveau démocratique (PRD) – jusqu’à ce qu’elle rallie, en mai 2011, l’équipe au pouvoir. La formation de Léhady Soglo a finalement claqué la porte le 24 janvier dernier, exigeant le départ du gouvernement de son ministre, Christian Sossouhounto (chargé de l’Urbanisme). Un énième va-et-vient très stratégique, dont les conséquences électorales sont encore difficiles à analyser.

>> Lire aussi : Rien ne va plus entre thomas Boni Yayi et Léhady Soglo

Divisée depuis sa défaite en 2011, l’opposition se recompose donc indirectement et tente de profiter des défections des uns et des autres pour faire bloc. Du moins pour les scrutins de cette année. Car ces alliances, dont certaines seront scellées à la dernière minute, pourront être reconsidérées d’ici à la présidentielle, en fonction des tendances observées lors des législatives et des locales.

Dans l’opposition comme dans le camp du pouvoir, tout se décantera après ces deux premiers actes électoraux. Lorsque les ambitions se révéleront au grand jour. Les tendances des législatives définiront également le rôle que jouera Boni Yayi au cours de sa dernière année de mandat. Si les candidats de la mouvance présidentielle obtiennent de bons résultats, ils conforteront son pouvoir de décision et lui permettront, notamment, de peser sur l’élection du bureau de l’Assemblée et sur ses commissions. En un mot, de rester au centre du jeu.

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© PIERRE VERDY / AFP

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