Nucléaire : les grandes puissances et l’Iran arrachent à Lausanne un compromis
Épilogue d’une épopée diplomatique d’un an et demi, les grandes puissances et l’Iran ont conclu jeudi à Lausanne un accord d’étape « historique » sur le nucléaire iranien, ouvrant la voie à la possibilité d’un accord final, sans toutefois lever toutes les inquiétudes et la méfiance réciproque.
Après un incroyable marathon de tractations de 18 mois entre Genève, Vienne, New York et Lausanne, et une dernière ligne droite de discussions ininterrompues pendant huit jours et nuits au bord du lac Léman, les négociateurs sont parvenus à s’entendre sur la majorité des points clés du dossier.
"Une entente historique", a salué le président américain Barack Obama, qui, "si elle est pleinement appliquée, empêchera l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire".
Mais il a immédiatement souligné que l’accord final, censé être défini d’ici le 30 juin, ferait l’objet de "vérifications sans précédent" quant à son application. Si l’Iran triche, "le monde le saura", a lancé le président américain.
L’accord cadre conclu entre Téhéran et le groupe 5+1 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) marque un tournant dans le dossier du nucléaire iranien, qui empoisonne les relations internationales depuis plus de 12 ans.
Au-delà du nucléaire, il pourra, s’il est mis en oeuvre, contribuer "à la paix et à la stabilité dans la région" du Proche-Orient, a estimé le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.
Le compromis obtenu, comme l’ont souligné les Occidentaux, ne marque toutefois pas la fin de l’histoire, car tous les détails techniques de ce dossier extraordinairement complexe devront être gravés dans le marbre d’ici trois mois.
"L’écriture (d’un accord final) doit commencer immédiatement, pour être terminée d’ici le 30 juin", a déclaré le président iranien Hassan Rohani, sur twitter.
6000 centrifugeuses
Selon l’accord cadre, l’Iran a accepté de réduire des deux tiers le nombre de ses centrifugeuses, les machines servant à transformer l’uranium qui, enrichi à 90 pc, sert à la fabrication d’une bombe. L’Iran maintiendra près de 6000 centrifugeuses contre 10.000 en activité actuellement. A l’origine, la communauté internationale exigeait que l’Iran ne puisse en garder que quelques centaines.
Téhéran a également accepté de ne plus enrichir d’uranium pendant au moins 15 ans dans le site de Fordo, enfoui sous la montagne et de ce fait impossible à détruire par une action militaire. Le site exploitera un programme à des fins médicales.
Sur la très délicate question de la levée des sanctions, l’accord prévoit que les mesures unilatérales américaines et européennes seront suspendues dès que le respect de ses engagements par l’Iran aura été certifié par l’AIEA, l’Agence internationale de l’Energie atomique. Elles seront rétablies si l’accord n’est pas appliqué.
Les résolutions de l’ONU seront levées dès que l’Iran respectera tous les points clés de l’accord.
Tout accord final devra être endossé par le Conseil de sécurité de l’ONU, a en outre souligné la chef de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, qui a été au coeur des discussions à Lausanne.
Autre acteur de la négociation, la Russie s’est félicité du compromis de Lausanne, estimant qu’il constituait une reconnaissance du droit "inconditionnel" de l’Iran à développer un programme civil. La France, traditionnellement plus dure sur ce dossier, a salué "un accord d’étape positif", mais "il reste du travail à faire", a souligné son chef de la diplomatie Laurent Fabius.
Montée au créneau d’Israël
L’annonce du compromis a suscité comme attendu une réaction d’Israël, qui n’a cessé de monter au créneau ces derniers jours.
"C’est un mauvais accord cadre qui conduira à un mauvais et dangereux accord" final, a décrié un responsable israélien, sous le couvert de l’anonymat.
Peu avant l’annonce de l’accord-cadre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait estimé que "tout accord doit réduire considérablement les capacités nucléaires de l’Iran et stopper son terrorisme et ses agressions".
Un peu plus tôt, le ministre israélien des Renseignements Youval Steinitz avait assuré que l’option militaire restait sur la table, mais une telle éventualité reste très faible, selon les experts.
Barack Obama a assuré jeudi, après la conclusion des discussions à Lausanne, qu’il allait téléphoner à M. Netanyahu.
Mais le président américain devra aussi faire face aux détracteurs d’un accord dans son propre pays. Jeudi soir, les républicains du Congrès ont exprimé leur scepticisme et annoncé qu’ils persisteraient à demander un droit de regard sur tout accord final sur le nucléaire iranien.
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