France : Jean-Marie ou Marine Le Pen, et s’il ne devait en rester qu’un ?

Le torchon brûle entre Marine Le Pen et son père, Jean-Marie, au sein du Front national. Après de nouvelles déclarations de ce dernier sur les « chambres à gaz », « détail de l’histoire », le Parti se déchire au rythme d’un drame familial, pas forcément joué d’avance.

Jean-Marie Le Pen et sa fille Marine. © Fayolle Pascal/SIPA

Jean-Marie Le Pen et sa fille Marine. © Fayolle Pascal/SIPA

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 8 avril 2015 Lecture : 4 minutes.

On connaissait le mythe d’Œdipe, mettant en scène le meurtre du père par le fils. Voici potentiellement le remake, l’inceste en moins mais tout de même un brin malsain, concocté par le Front national. Ici, c’est la fille qui ne fait plus mystère de son envie d’en finir avec le paternel, dont les saillies font mauvais genre alors qu’elle tente de polir l’image d’un parti "dédiabolisé".

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Lors des dernières victoires électorales du Front national, le père et la fille étaient pourtant apparus, au moins sur le devant de la scène, main dans la main. En coulisses, l’un agaçait l’autre. Jean-Marie a toujours été gêné aux entournures par la stratégie de dédiabolisation du parti. Quant à Marine, elle se méfiait du paternel : s’il est essentiel pour rassembler la vieille garde et pour mettre en scène la rupture avec les vieilles habitudes du mouvement, il est un peu incontrôlable.

Maréchal, le (re)voilà

Et, de l’incontrôlable à l’indésirable, il n’y a qu’un pas. Dans une interview accordée à BFM TV, Jean-Marie Le Pen a répété, jeudi 2 avril, ses propos de 1987 sur les chambres à gaz, qu’il considère comme un "détail" de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, et pour lesquels il a déjà été condamné en 1991. Dans la foulée, il a accordé un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol dans lequel il défend notamment Pétain, en revendiquant la sauvegarde de l"Europe boréale" et d’un "monde blanc".

"Je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître (…) Je considère que l’on a été très sévère avec lui à la Libération (…) Je n’ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l’estime pour le Maréchal", a-t-il déclaré, avant d’enchaîner sur la classe politique actuelle. "Nous sommes gouvernés par des immigrés et des enfants d’immigrés à tous les niveaux. Estrosi et Ciotti à Nice, Mariani, ce sont des gens dont les parents étaient italiens. Je n’ai rien contre les Italiens ni contre les Espagnols. (…) Quel est l’attachement réel de Valls à la France ? Cet immigré a-t-il changé du tout au tout ? Qu’a-t-il apporté à notre pays ?", a ajouté le patriarche.

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"Il a décidé de me faire chier"

Du Jean-Marie pur jus, si l’on ose dire, qui a réussi à faire sortir de ses gonds, pourtant solides, sa fille Marine. "Il a décidé de me faire chier jusqu’au bout !", s’est-elle ainsi exclamé devant des proches, citée par le Canard enchaîné avant d’annoncer mercredi dans un communiqué qu’elle "s’opposerait" au sein des instances internes du FN à la candidature de Jean-Marie Le Pen aux régionales de décembre en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

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"Jean-Marie Le Pen semble être entré dans une véritable spirale entre stratégie de la terre brûlée et suicide politique. Compte-tenu de cette situation, j’ai informé Jean-Marie Le Pen que je m’opposerai, lors du bureau politique du 17 avril prochain qui doit investir les têtes de listes pour les élections régionales, à sa candidature en Paca", écrit-elle dans un communiqué.

"C’est avec une profonde tristesse que je suis contrainte de réunir rapidement un bureau exécutif", l’instance suprême du parti, "afin d’envisager avec lui les moyens de protéger au mieux les intérêts politiques du Front national", annonce la chef de file frontiste. "Son statut de président d’honneur ne l’autorise pas à prendre le Front national en otage, de provocations aussi grossières dont l’objectif semble être de me nuire mais qui, hélas, portent un coup très dur à tout le mouvement, à ses cadres, à ses candidats, à ses adhérents, à ses électeurs", dénonce-t-elle encore.

Dans des termes moins policés, mais ô combien savoureux, Marine s’était laissée aller à une comparaison devant ses proches, que le Canard enchaîné s’est bien gardé de passer sous silence : "Il est fait pour être président de région comme je suis faite pour être danseuse au Crazy Horse".

Jean-Marie, va-t-en guerre

Marine Le Pen joue toutefois gros. Et elle le sait. Le père, malgré ses multiples "dérapages", est bien plus qu’un ancêtre encombrant au Front national. Si la jeune garde frontiste, réunie autour de sa fille, de sa petite fille Marion Maréchal-Le Pen et de Florian Philippot, peut s’enorgueillir d’avoir dans son escarcelle les derniers succès électoraux du parti, Jean-Marie Le Pen a de son côté de beaux restes.

Médiatiquement, d’abord, il dispose encore d’une force de frappe non négligeable. Politiquement ensuite, il contrôle encore une bonne partie de la formation dont il est toujours le président d’honneur, qui lui donne le droit de siéger dans toutes les instances du mouvement, bureau exécutif compris. Financièrement, enfin. Il détient en effet une part importante des finances du FN, via son micro-parti, la Cotelec, qui contribue grandement aux campagnes électorales, et garde la main sur les cordons de la bourse familiale.

Le  patriarche n’avait d’ailleurs pas hésité il y a quelques années à déshériter son autre fille, Marie-Caroline, avec qui il n’entretient plus aucun lien et qu’il considère coupable de trahison, après que celle-ci a rallié son rival Bruno Mégret en 1998. Autoritaire jusqu’à l’excès, y compris au sein de sa propre famille, Jean-Marie Le Pen a encore de nombreuses armes.

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