Côte d’Ivoire – Fulgence Assi : « La Fesci est un esprit, on ne peut ni le supprimer ni le dissoudre »
Une grève lancée par la Fesci perturbe le milieu scolaire ivoirien. Alors que certains responsables du gouvernement dénoncent une manipulation politique et appellent à la dissolution du syndicat étudiant, son secrétaire général, Fulgence Assi, répond aux questions de « Jeune Afrique ».
Depuis une dizaine de jours, certaines universités, grandes écoles et lycées ivoiriens sont perturbés par un mouvement de grève lancé par la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), qui dénonce des "conditions d’études difficiles et inadéquates". Un mouvement émaillé par des bagarres, notamment dans les lycées, entre grévistes et non-grévistes et des arrestations d’étudiants, qui font resurgir le spectre de la violence en milieu scolaire et estudiantin, dont la Fesci, – proche du front populaire ivoirien (FPI, opposition, parti de Laurent Gbagbo) jusqu’à la fin de la crise-post-électorale de 2010-2011 -, était devenu le symbole par excellence.
Alors que le dialogue entre le ministre de l’Enseignement supérieur, Gnamien Konan, et l’organisation syndicale semble au point mort, et que Joël N’Guessan, le porte-parole du Rassemblement des républicains de Côte d’Ivoire (RDR, parti au pouvoir), a demandé hier au gouvernement de dissoudre la Fesci, le syndicat étudiant semble plus que jamais déterminé à faire entendre ses revendications. Son secrétaire général, Fulgence Assi a répondu aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Quelles sont aujourd’hui les revendications de la Fesci ?
Fulgence Assi : Près de trois ans après la réouverture des universités ivoiriennes, fermées à cause de la crise postélectorale de 2010-2011, l’état de ces dernières reste très critique. Nous demandons donc au gouvernement d’ouvrir une véritable plateforme d’échange afin que nous puissions exposer les problèmes auxquels nous sommes confrontés et y trouver des solutions. Malheureusement, nous assistons depuis le début de l’année à l’inaction des autorités. L’ensemble des étudiants a donc compris qu’il était important de réagir afin de leur faire comprendre que nos problèmes sont réels.
Ces problèmes, quels sont-ils ?
Manque criant de bibliothèques, d’équipements dans les laboratoires de recherche, accès très limité et très difficile à internet etc… Il y a aussi des problèmes au niveau des frais d’inscription, notamment dans les grandes écoles, qui semblent dépendre aujourd’hui de chaque chef d’établissement et atteignent parfois des niveaux records. Résultat, ceux qui ont eu la chance d’y être acceptés mais qui ne sont pas issus de familles aisées, se retrouvent désemparés. Depuis l’année dernière, il y aussi eu une augmentation du prix de la carte d’étudiant, jusqu’à 10 000 F CFA pour une carte biométrique, à renouveler chaque année. Alors même que la carte nationale d’identité, valable dix ans, est à 5 000 FCFA.
La Fesci n’a pas besoin d’avoir recours à la violence pour faire observer un mot d’ordre de grève.
La question des bourses aussi est fondamentale. Nous sommes dans l’année scolaire 2014/2015, et certains n’ont même pas encore reçu leurs bourses de l’année 2013/2014 ! Enfin, il y a aussi le problème des cités universitaires occupées par des hommes en armes, qui n’ont rien à y faire. Alors que de nombreux étudiants, notamment ceux qui viennent de l’intérieur du pays pour étudier à Abidjan, ont des problèmes pour se loger. Nous avons interpellé plusieurs fois l’État à ce sujet, demandé que ces individus soient logés ailleurs, mais nous n’avons pas reçu de réponse.
Où en est aujourd’hui le dialogue avec votre autorité de tutelle, le ministère de l’enseignement supérieur ?
Nous sommes une organisation syndicale étudiante, les relations avec notre autorité de tutelle ont toujours été compliquées. Cependant, si le ministre de l’Enseignement supérieur avait une oreille attentive, il est certain que nous aurions déjà trouvé des solutions.
Vous avez récemment qualifié Gnamien Konan, le ministre de l’Enseignement supérieur, de "plaie du système éducatif ivoirien", ce qui n’a pas dû arranger le dialogue…
Mr Gnamien Konan est effectivement une plaie pour le système éducatif ivoirien. Depuis son arrivée à la tête de ce département, tous les acteurs du système – étudiants, élèves, professeurs – sont mécontents. C’est bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Mr le ministre a une influence négative sur un univers qu’il ne connaît pas. Un exemple : il avait annoncé il y a quelques mois la suppression du système de "repêchage" d’après baccalauréat. Ce qui avait provoqué beaucoup d’inquiétudes. Il y a quelques jours, il a été désavoué par la ministre de l’Éducation nationale, qui a déclaré que ledit repêchage, qui existe partout dans le monde, aurait bien lieu.
Votre mouvement de grève a été émaillé de violences dans certains établissements. La Fesci retombe-elle dans ses anciens travers ?
Non pas du tout. Par moment, il y a eu quelques bousculades ici et là, mais il n’y a pas eu de violences. La Fesci en a fini avec ces pratiques-là et n’a pas besoin d’avoir recours à la violence pour faire observer un mot d’ordre de grève. Nous sommes dans une dynamique de renouvellement, de redynamisation de nos sections, afin d’être à la hauteur du nouveau bail de confiance accordé par les étudiants.
Certains membres de la majorité présidentielle demande la dissolution de votre organisation, qui serait politiquement manipulée, que répondez-vous ?
Ces gens-là ont des préjugés. Et on ne gère pas des conflits avec des préjugés. Nous n’avons d’accointances avec aucune chapelle politique de ce pays. La Fesci c’est 25 ans d’existence, d’expérience, des prédécesseurs qui se sont donné corps et âmes pour défendre les intérêts des étudiants… La Fesci est un esprit. On ne peut donc ni le supprimer ni le dissoudre. Ce qui ont prédit il y a quelques années sa mort se rendent compte aujourd’hui qu’ils ont parlé beaucoup trop vite.
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