Burkina Faso : la grogne monte contre Zida et le gouvernement de transition

Après les propos du Premier ministre Zida visant les grévistes impliqués dans de récents mouvements sociaux, la quasi-totalité des syndicats du public et du privé ont appelé à une grève générale le mercredi 8 avril.

Lors d’une manifestation contre la révision constitutionnelle, le 28 octobre 2014 à Ouagadougou. © AFP

Lors d’une manifestation contre la révision constitutionnelle, le 28 octobre 2014 à Ouagadougou. © AFP

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Publié le 3 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

Un peu plus de cinq mois après la chute de Blaise Compaoré, le 31 octobre dernier, l’euphorie insurrectionnelle laisse progressivement place à la grogne populaire au Burkina. Ces derniers jours, le pays a vécu deux conflits sociaux d’importance qui ont ravivé les déceptions d’une partie de la population à l’égard des autorités de transition, désormais ouvertement critiquées par les syndicats. Explications.

Une situation sociale tendue depuis plusieurs jours

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Une première grève a d’abord touché les Brasseries du Burkina, filiale du groupe Castel productrice de la célèbre bière locale Brakina. Réclamant une revalorisation salariale, les employés ont stoppé le travail pendant une semaine, provoquant une pénurie de bière et d’eau minérale Lafi, également produite par le groupe, dans la région de Ouagadougou. Un accord a finalement été trouvé entre la direction et les grévistes, qui ont repris le travail après avoir obtenu une hausse du salaire de base de 15% ainsi qu’une prime.

Un second mouvement social, aux répercussions plus larges, a ensuite éclaté. Lundi et mardi derniers, les chauffeurs routiers ont bloqué les routes pour obtenir l’application d’une convention collective leur fournissant une meilleure protection sociale. Cette grève a créé de longues files d’attente devant les stations-services et surtout bloqué l’approvisionnement en pétrole de plusieurs centrales électriques, provoquant des délestages importants dans tout le pays.

Zida met le feu aux poudres

Face à ces grèves qui ont mis en difficulté une des principales entreprises du pays et paralysé l’activité de la Sonabel, la compagnie nationale d’électricité, le Premier ministre Isaac Zida est monté au créneau. Et n’a pas mâché ses mots.

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Mercredi soir, le chef du gouvernement de transition a prononcé un discours offensif à la télévision dans lequel il a accusé les grévistes "de chercher à saper les efforts du gouvernement en installant un climat d’anarchie". "Les mouvements de grèves désordonnées, revendications intempestives, occupations des lieux de travail et autres entraves à la liberté de circuler indiquent clairement que l’on veut empêcher le gouvernement de travailler et, à terme, les élections de se dérouler, a-t-il poursuivi. Le gouvernement s’opposera désormais avec fermeté et responsabilité à toute tentative de déstabilisation, d’où qu’elle vienne."

Sans surprise, ces propos ont choqué les différents syndicats burkinabè. Qualifiant les mots de Zida "de révoltants et d’insultants", le secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), Bassolma Bazié, interrogé par l’AFP, a tenu à "rappeler au Premier ministre Zida qu’il occupe ce poste grâce aux sacrifices de (la rue)", ajoutant que "le mouvement syndical continuera de se battre quelles que soient les menaces proférées". "Même sous la dictature de Blaise Compaoré, nous menions nos activités sans problème", a de son côté renchéri Paul Ouédraogo, leader de la Confédération syndicale du Burkina (CSB).

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Après son bras de fer musclé, en janvier, avec le régiment de sécurité présidentielle (RSP) – qui avait failli obtenir sa démission -, Yacouba Isaac Zida se retrouve donc pour la deuxième fois de son mandat dans une situation délicate.

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Appel à la grève générale le 8 avril

Depuis le début du régime de transition, de nombreux Burkinabè attendent, outre de profondes réformes politiques et judiciaires, des mesures pour faire baisser le coût de la vie. La passe d’armes entre le Premier ministre et les syndicats a finalement convaincu la Coalition nationale contre la vie chère (CCVC), qui regroupe la quasi-totalité des centrales syndicales du public et du privé, à décréter une grève générale de 24 heures le mercredi 8 avril.

Les leaders syndicaux entendent ainsi mettre la pression sur les autorités de transition pour qu’elles répondent rapidement à une série de revendications, allant de la lutte contre la vie chère à celle contre l’impunité de dignitaires de l’ancien régime. La CCVC exige notamment qu’un mandat d’arrêt international soit lancé contre Blaise Compaoré et son frère cadet François pour leur implication présumée dans différents crimes économiques et de sang, aux premiers rangs desquels les assassinats de Thomas Sankara, en 1987, et de Norbert Zongo, en 1999.

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La journée de grève du 8 avril, à laquelle devraient se joindre les étudiants, s’annonce chaude sur l’ensemble du territoire. Une grande marche et un meeting sont prévus à Ouagadougou et des manifestations devraient se tenir dans les principales villes du "pays des hommes intègres". Un premier vrai test pour le gouvernement de transition, désormais sous la menace de syndicats qui ont d’ores et déjà promis de poursuivre leur mobilisation s’ils n’obtiennent pas satisfaction.  

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