Mamady Sanoh, l’atout burkinabè de Son Altesse l’Aga Khan

Depuis 1989, cet industriel bien intégré au sein des élites politiques du pays est l’indéfectible ambassadeur du prince milliardaire. Une loyauté qui lui vaut notamment de présider Air Burkina.

Mamady Sanoh, président du conseil d’administration d’Air Burkina. © Jacques Torregano/ The CEO Forum / J.A

Mamady Sanoh, président du conseil d’administration d’Air Burkina. © Jacques Torregano/ The CEO Forum / J.A

Publié le 13 avril 2015 Lecture : 4 minutes.

Dans le bureau de Mamady Sanoh, situé à un jet de pierre de la mythique place de la Révolution, au coeur de Ouagadougou, des voitures miniatures Peugeot et Mercedes des années 1950 et 1960 trônent à côté de deux modèles réduits d’avions. Des Bombardier estampillés Air Burkina. Les déboires financiers de cette compagnie aérienne burkinabè, qui perd 1 million de dollars (environ 924 000 euros) par an, lui ont fait perdre le sommeil. Président de son conseil d’administration, il multiplie les contacts pour tenter de la remettre à flot.

Aujourd’hui, ses espoirs reposent sur le renouvellement de la flotte. Son nouvel Embraer de 68 places et la livraison d’un deuxième appareil du même type à la mi-avril doivent permettre à la compagnie d’accroître la fréquence de ses vols vers ses neuf destinations. Dans le même temps, elle entend intensifier ses alliances – ce qu’elle fait déjà avec Air Côte d’Ivoire et Air France – pour compléter son offre. « C’est une priorité. Avec ces nouveaux avions, nous devons arriver à équilibrer le plus tôt possible les comptes d’exploitation de l’entreprise », confie Mamady Sanoh.

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Mais l’univers de ce natif de Bobo-Dioulasso, la capitale économique du Burkina Faso, s’étend bien au-delà du secteur aérien. Issu d’une famille de négociants, cet homme d’affaires de 60 ans est un industriel aux multiples casquettes. Diplômé de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Paris, il avait pourtant débuté sa carrière dans la fonction publique, en tant que chef de bureau à la Société burkinabè des fibres textiles (Sofitex). En 1989, sa rencontre avec le prince Aga Khan, chef religieux des ismaéliens et richissime homme d’affaires, va changer le cours de sa carrière. Il devient alors consultant de son holding d’investissement, Industrial Promotion Services-West Africa (IPS-WA). Dirigé au niveau régional par Mahamadou Sylla, celui-ci est présent dans les emballages, l’agro-industrie ou encore les infrastructures.

Au Burkina Faso, Mamady Sanoh est chargé de suivre les opérations de développement du holding en y repérant les opportunités d’investissement. Il a ainsi été l’artisan de plusieurs importantes opérations réalisées par IPS-WA : le rachat de l’unité industrielle Fasoplast, spécialisée dans la production d’emballages, en 1995 ; l’absorption de la Nouvelle Société sucrière de la Comoé (SN Sosuco) ainsi que de la Société de production d’alcool (Sopal) trois ans plus tard ; puis, en 2001, la prise de contrôle… d’Air Burkina. Une belle moisson couronnée par sa désignation comme coordinateur du bureau d’IPS-WA au Burkina Faso. En 2014, les quatre sociétés que le holding d’investissement détient dans le pays – Air Burkina, Faso Coton, Fasoplast et SN Sosuco – ont réalisé un chiffre d’affaires cumulé d’environ 61,8 milliards de F CFA (94,2 millions d’euros).

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Lassiné Diawara, ancien vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI-BF) et autre figure de proue de l’économie du pays, vante le « leadership affirmé » de Mamady Sanoh, qui lui a permis de « maintenir des sociétés comme SN Sosuco, malgré la concurrence déloyale des produits importés ». Une qualité qui lui a aussi valu la confiance et la présidence du Groupement professionnel des industries (GPI).

Peu bavard

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« Il a un management très inclusif, une capacité à déléguer qui permet à chacun d’exprimer son potentiel et ses opinions », assure Dominique Senghor, le directeur administratif et financier de FasoPlast. Aux yeux de ses collaborateurs, c’est un homme humble… et très réservé. « Il est aussi discret que Lassiné Diawara », affirme un patron burkinabè. S’il est à l’aise lorsqu’il s’agit de parler des investissements de IPS-WA, Mamady Sanoh est en effet peu bavard sur son propre parcours. « J’ai promis fidélité au prince Aga Khan. Mon activité principale consiste donc à représenter le groupe au Burkina », affirme-t-il.

Pourtant, cet homme d’affaires mène parallèlement d’autres activités, cette fois pour son propre compte. Si sa première tentative de création d’entreprise, avec la Société de production et de commercialisation des fruits et légumes (Saci), a fait long feu en 1983, il serait, d’après nos informations, actif dans le négoce de carburants avec la société Filmore et dans le transport d’hydrocarbures avec Excellium Transports, dont il détiendrait la totalité du capital. Président du conseil d’administration d’une dizaine d’entreprises, il posséderait aussi 10 % de la filiale burkinabè du marocain Saham Assurance.

Très discret sur ses activités, il détiendrait deux sociétés dans le carburant et les hydrocarbures.

Le neveu du très respecté homme d’affaires bobolais Djanguinaba Barro évoque volontiers ses prestigieux contacts à l’international, parmi lesquels le PDG d’Air France, Frédéric Gagey, ou le directeur Afrique et Moyen-Orient de la branche marketing et distribution du pétrolier Total, Momar Nguer. « Il a beaucoup d’entregent », confirme Lassiné Diawara.

Liens étroits

Son carnet d’adresses politique est également bien fourni. Vice-président de la CCI-BF chargé de l’industrie pendant l’ère Alizéta Ouédraogo, puissante femme d’affaires et « belle-mère nationale » du régime renversé lors de l’insurrection populaire d’octobre 2014, Mamady Sanoh entretenait des liens étroits avec François, le frère cadet de l’ex-président Blaise Compaoré.

Ami de Roch Marc Christian Kaboré, président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), et de Djibrill Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères, il est également proche de Zéphirin Diabré, l’ex-chef de l’opposition – tous trois en course pour la présidentielle d’octobre 2015. Et il assure entretenir de solides amitiés avec les présidents d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Mais l’homme d’affaires préfère ne pas mélanger les genres : « J’ai effectivement des amis dans ce monde politique, confirme-t-il. Mais je ne peux que me prononcer sur les questions de business. Je souhaite avant tout la stabilité et la sécurité des affaires. »

Par Nadoun Coulibaly, à Ouagadougou

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