Les banques sont dissuadées de prendre des risques

Karim Fadika, avocat à la cour d’Abidjan.

Karim Fadika, avocat à la cour d’Abidjan. DR

Karim Fadika, avocat à la cour d’Abidjan. DR

Publié le 23 janvier 2013 Lecture : 3 minutes.

Le système bancaire en Afrique francophone subsaharienne est régulièrement attaqué sur son rôle dans le financement de l’économie. Les banques sont perçues comme n’acceptant de prendre le risque de crédit que lorsque celui-ci est couvert en totalité, excluant ainsi de nombreuses PME de l’accès au crédit. Le cadre juridique des affaires en vigueur dans les pays africains concernés a une part de responsabilité dans cet état de fait. Pour les banques, il dissuade la prise de risque.

Pour un banquier, l’accès à une information exhaustive sur la situation d’un potentiel emprunteur est le point de départ de l’analyse du risque. Cet accès est en principe offert par les registres du commerce et du crédit mobilier, créés dans le cadre des dispositions de l’Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires). En pratique, cependant, il s’avère difficile. En effet, ces registres ne sont pas informatisés et l’information n’y est pas exhaustive. Ils ne jouent donc que très partiellement leur rôle.

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Les choses devraient changer avec le nouvel acte uniforme portant droit commercial général, adopté le 15 décembre 2010 à Lomé dans le cadre de l’Ohada, qui prévoit de faire évoluer les registres du commerce et du crédit mobilier vers un outil moderne basé sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Cet objectif est ambitieux, mais la volonté politique des différents États membres de l’Ohada (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, RD Congo, Sénégal, Tchad, Togo) pour y parvenir semble réelle.

Par ailleurs, les banques ont une confiance limitée dans l’efficacité et la fiabilité des systèmes judiciaires des pays d’Afrique dans lesquels elles opèrent. Lenteur des procédures, mauvaise qualité des décisions rendues et non-respect des règles d’éthique sont les griefs qui reviennent le plus souvent. Cette perception négative des systèmes judiciaires affecte fortement l’appréciation du risque de crédit. Ce risque sera naturellement considéré comme d’autant plus important que les mécanismes judiciaires chargés de sanctionner les manquements aux engagements des débiteurs seront perçus comme inefficaces.

Lenteur des procédures, mauvaise qualité des décisions rendues et non-respect des règles d’éthique sont les griefs qui reviennent le plus souvent.

Les causes de cet état de fait sont multiples. L’absence d’une vraie spécialisation des juges dans le domaine du droit des affaires en est assurément une. L’insuffisance des moyens humains et matériels constitue également une réalité. Enfin, la faiblesse des dispositifs institutionnels de détection et de sanction des atteintes à l’éthique dans le monde judiciaire est régulièrement dénoncée.

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Ces dernières années cependant, des changements importants ont été introduits pour améliorer significativement les systèmes judiciaires des pays d’Afrique francophone subsaharienne. La création de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada constitue assurément un élément important. Sa vocation est d’unifier la jurisprudence en matière de droit des affaires et de réduire ainsi le champ de l’aléa judiciaire. Des tribunaux de commerce composés de manière paritaire de juges professionnels et de juges consulaires voient également progressivement le jour. Il en est de même pour les centres d’arbitrage. Leur finalité, une justice qui prend en compte les exigences du monde des affaires, est saluée par les opérateurs.

Ces changements augurent d’une amélioration significative des systèmes judiciaires, mais les processus sont lents et leurs effets ne se feront sentir que dans le temps. 

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