Comment l’État peut-il améliorer le financement des PME ?
Au coeur du tissu économique africain, les petites et moyennes entreprises restent les parents pauvres du financement. Entre création de banques spécialisées et amélioration du climat des affaires, que peut-on attendre de l’État ?
Faut-il le rappeler ? L’Afrique compte 65 millions de PME. En Afrique du Sud, en Égypte et au Maroc, elles contribuent selon la Banque mondiale à hauteur de 50 % à 60 % de la création de richesses nationales et à plus de la moitié de l’emploi. Sur l’ensemble du continent, elles représenteraient les trois quarts des emplois créés, selon la Banque africaine de développement (BAD). Elles restent néanmoins les parents pauvres du financement africain et, plus largement, des politiques économiques.
Peu à peu, la plupart des États semblent tout de même prendre conscience des efforts à faire en vue de favoriser l’accès aux financements pour les PME. « Le b.a.-ba serait déjà qu’ils apurent leurs dettes intérieures et paient ce qu’ils doivent aux PME », souligne d’emblée Stanislas Zeze, PDG de Bloomfield Investment Corporation, une agence de notation basée à Abidjan qui propose également de la gestion du risque-crédit aux PME. C’est ce qu’a fait, par exemple, le Gabon, en août 2012 : une décision saluée par les PME locales. Car régler les arriérés, parfois très importants, dus au secteur privé local est une étape bien trop souvent négligée par des États mauvais payeurs.
Les pouvoirs publics ont un rôle fondamental à jouer en matière d’assainissement de l’environnement des affaires.
« Les pouvoirs publics ont ensuite un rôle fondamental à jouer en matière d’assainissement de l’environnement des affaires », poursuit Stanislas Zeze. L’État peut ainsi créer les conditions d’un exercice simplifié du métier d’entrepreneur, débarrassé des risques de corruption et des pesanteurs des décisions administratives. Ou encore garantir l’accès à l’énergie électrique, entre autres besoins d’infrastructures…
Initiatives
Malgré ces immenses besoins souvent non satisfaits, certains États continuent de vouloir s’impliquer directement dans le financement des PME. « Le Cameroun est en train de créer une banque des PME. Le décret est passé en 2011, et nous attendons la mise en place de cette institution financière dévolue au financement des PME », explique Fabrice Kom Tchuente, directeur exécutif de FinAfrique, un cabinet de conseil partenaire de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) pour le déploiement d’une « boîte à outils pour les PME ». Au Gabon voisin, quelques initiatives ont également été prises par un établissement contrôlé par l’État. « La Banque gabonaise de développement propose BGD Advance +, une offre de crédit de 50 millions de F CFA [76 200 euros, NDLR] avec un taux d’intérêt allégé et bénéficiant d’un traitement rapide », détaille Fabrice Kom Tchuente.
Choix habituel des États africains pour soutenir les PME, la création d’une banque spécialisée est loin de recueillir l’assentiment de la communauté financière. Par le passé, gestion publique a trop souvent rimé avec mauvaise gestion. « Au Cameroun, le Fogape [Fonds d’aide et de garantie aux petites et moyennes entreprises], né dans les années 1980, accordait directement des crédits aux PME tout en garantissant les prêts consentis par les autres établissements financiers. Il a fait faillite au milieu des années 1990 car de nombreux prêts accordés de façon abusive n’ont pas été remboursés », souligne un banquier camerounais.
Marche forcée
Pourtant, d’autres structures du même type ont fait leurs preuves, comme le Fonds de garantie des investissements privés en Afrique de l’Ouest (Fonds Gari). De manière générale, estime Daouda Coulibaly, directeur général de la Société ivoirienne de banque (groupe Attijariwafa Bank), « la création de fonds de garantie pour les PME semble être une idée pertinente, qui a été mise en place en Europe après la guerre avec un réel succès ». En Afrique, les grandes banques (et agences) de développement étendent à marche forcée ce système. La BAD a ainsi créé en 2012 l’African Guarantee Fund (AGF). La SFI assume une partie du risque sur un portefeuille de prêts aux PME accordés par des banques locales, telles que BNP Paribas en Côte d’Ivoire. L’Agence française de développement (AFD) pratique la même politique.
Le règlement des arriérés dus au secteur privé est une étape bien trop souvent négligée.
Mais du côté des États, rien ou pas grand-chose. « Ce n’est pas leur rôle de faciliter l’accès au financement des PME, lâche Félix Adahi Bikpo, patron de l’AGF. Ils doivent se financer et ont déjà du mal à le faire ; comment pourraient-ils financer des banques dévolues aux PME ou des fonds de garantie ? Ils ont déjà tant à faire en matière d’infrastructures, de sécurité des affaires… Tout cela est plutôt du ressort du secteur privé et des bailleurs de fonds. »
L’idée germe ainsi, dans certains esprits, de créer une véritable banque de développement panafricaine des PME détenue non par un État mais plutôt, à l’instar de la BAD, par plusieurs États africains mais aussi internationaux. Cette structure, bien notée par les agences de notation et indépendante dans sa gestion, pourrait accéder à peu de frais à des financements longs et les prêter ensuite aux PME, directement ou indirectement. Ce n’est là qu’un projet, certes, mais cela permettrait de sortir des errements habituels des banques publiques.
Les banques elles-mêmes commencent à changer leur fusil d’épaule et, pression concurrentielle oblige, regardent peu à peu vers le marché des PME, avec l’aide des agences de développement. La période est donc propice aux États pour faciliter le financement des PME. À condition de ne pas se tromper, une fois de plus, de méthode.
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