Capital-investissement : Abraaj l’émergent

Élu fonds africain de l’année durant le Africa CEO Forum, le financier dirigé depuis sept hubs à travers le monde – dont un à Nairobi -, gère près de 6 milliards d’euros investis dans des entreprises du Sud. L’Afrique est plus que jamais à son programme.

En 2007, le fonds a investi avec succès dans la première compagnie aérienne low cost du monde arabe. © AFP

En 2007, le fonds a investi avec succès dans la première compagnie aérienne low cost du monde arabe. © AFP

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 17 janvier 2013 Lecture : 5 minutes.

TPG, Blackstone, KKR, Goldman Sachs, Carlyle… Dans le classement annuel des 50 plus gros investisseurs en fonds propres du monde, il est depuis quelques années un nom qui frappe : Abraaj Capital. Au milieu des financiers basés aux États-Unis, à Londres ou à Paris, le capital-investisseur né à Dubaï il y a tout juste dix ans a su rapidement se faire une place. Au 40e rang mondial dans le classement 2012 du magazine Private Equity International, Abraaj n’est pas loin derrière les géants européens que sont PAI Partners (34e) ou Axa Private Equity (35e).

« Nous sommes le plus important investisseur en private equity sur les marchés émergents », se réjouit Tom Speechley, l’un des dix membres du conseil d’administration d’Abraaj, dont le capital reste en partie contrôlé par le management. Avec 7,5 milliards de dollars (5,9 milliards d’euros) d’actifs sous gestion à la mi-2012, 36 bureaux à travers le monde, 230 professionnels et plus de 200 souscripteurs de tous horizons dans ses fonds, le financier rayonne dans presque tous les pays émergents. Et ne veut plus être considéré comme un investisseur émirati. « Nous ne voulons plus être appelés ainsi, lâche Tom Speechley. Dubaï n’est qu’un des sept hubs [avec Singapour, Bombay, Bogotá, Istanbul, Londres et Nairobi, NDLR] que nous avons développés à travers le monde et dans lesquels est réparti le management senior. Ce n’est plus le centre de gravité du groupe. »

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Ses équipes comptent plus de 50 nationalités, son portefeuille quelque 150 entreprises.

Né en 2002 sous l’impulsion d’Arif Naqvi, Abraaj s’est mué depuis quelques années en symbole de la finance transnationale. Plus de 50 nationalités composent ses équipes, et les 150 entreprises que compte aujourd’hui son portefeuille opèrent de l’Inde au Maroc, en passant par le Pakistan, le Liban, la Turquie, l’Égypte… Depuis le rachat en août 2011 du fonds Kantara et de ses équipes de gestion, acquis auprès du français Amundi, Abraaj a également fortement dopé sa présence au Maghreb, où Kantara comptait déjà plusieurs participations, principalement dans des PME marocaines et tunisiennes.

De la Zambie au Sénégal

L’annonce, quelques mois plus tard, de l’acquisition de l’un des plus importants capital-investisseurs dans les PME des pays émergents en général et en Afrique en particulier, Aureos Capital, a fini de le transformer en véritable multinationale de l’investissement en fonds propres. À la suite de cette dernière opération, finalisée au milieu de l’année 2012, Abraaj a récupéré des participations des Philippines au Costa Rica, en passant par de nombreux pays africains tels que le Kenya, l’Afrique du Sud, la Zambie ou encore le Sénégal.

Le virage africain pris par Abraaj s’explique aisément : « Si nous ne délivrons pas une bonne rentabilité, autour de 20 % par an, aux souscripteurs de nos fonds, ils iront voir ailleurs. Pour l’instant, avec 50 sorties réalisées ayant rapporté 2,9 fois les sommes investies, nous y parvenons. Mais nous sommes convaincus que l’Afrique peut également fournir ce niveau de performance. C’est un moment historique pour y investir. » Plutôt que d’organiser des allers-retours en avion, comme certains autres grands financiers internationaux, Abraaj s’est mis en quête de compétences locales et d’une présence effective en Afrique. « Nous sommes un pionnier sur les marchés émergents, souligne Tom Speechley, qui a pris la tête d’Aureos Capital, désormais le pôle PME pour tout le groupe. Et nous avons appris quelque chose : il faut être présent sur place pour réussir. Le plus grand risque est le manque de connaissance locale et de réseau. »

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Expérience

Aujourd’hui, un peu plus de 10 % des actifs gérés par Abraaj sont consacrés à l’Afrique. Avec 600 millions de dollars sous gestion au sud du Sahara et environ 200 autres millions dans le nord du continent, le financier n’a certes pas encore atteint la taille des plus grands, comme Emerging Capital Partners, Actis ou Helios Investment Partners, qui gèrent tous plus de 1 milliard de dollars en Afrique. Mais il a des atouts non négligeables pour se hisser à leur hauteur. Ainsi, la trentaine de professionnels venus d’Aureos, constitué en 2001 à partir d’équipes qui opéraient déjà au sein de l’agence de développement britannique CDC, affichent jusqu’à une vingtaine d’années d’expérience chacun.

C’est un moment historique pour investir sur le continent

Abraaj dispose également de neuf bureaux africains et d’une panoplie de fonds qui lui permettent d’investir à la fois dans les PME subsahariennes et dans les grandes entreprises du continent. Preuve de cette diversité, deux investissements réalisés au premier semestre 2012 : 125 millions de dollars injectés au capital de l’assureur marocain Saham Finances et 1,7 million de dollars dans la clinique togolaise Biasa. La première opération, réalisée via le fonds Abraaj Private Equity Fund IV (2 milliards de dollars), et la seconde, bouclée avec le fonds dévolu à la santé Africa Health Fund (105 millions de dollars), partagent la même finalité : financer la croissance. Dans un cas, l’apport de capitaux a déjà permis de racheter un assureur de premier plan au Liban pour piloter la conquête des marchés moyen-orientaux. Dans l’autre, l’objectif est de permettre à la clinique de financer son plan d’expansion de 5 millions de dollars, visant à satisfaire une demande croissante dans la sous-région. Ces deux opérations lui ont valu d’être nommé fonds africain de l’année lors du Africa CEO Forum, qui s’est tenu à Genève en octobre dernier.

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« L’investissement parfait, c’est celui qui se fait dans une compagnie qui deviendra un leader mondial, sourit Tom Speechley. Mais ce que nous regardons en premier, c’est le succès sur le marché domestique. Les ambitions régionales viennent après. » En Afrique, Abraaj dispose encore d’une belle capacité d’investissement avec, notamment, le fonds panafricain Aureos Africa Fund (381 millions de dollars). Le financier refuse a priori d’investir dans des entreprises opérant dans l’exploration pétrolière ou minière, mais regarde plutôt vers des secteurs tels que les services pétroliers, les biens de consommation et la distribution, la santé, l’agrobusiness, les infrastructures et la logistique.

Projecteurs

Tout comme celle des américains Carlyle et KKR, l’arrivée d’Abraaj sur la scène du capital-investissement africain a un autre avantage : braquer les projecteurs des financiers sur le continent. Abraaj pourrait tenter de lever deux nouveaux fonds africains, l’un pour le sud du Sahara et l’autre pour le Nord. Alors qu’il affiche plus de 200 souscripteurs venus de toutes les régions du monde dans ses fonds précédents, la nouvelle est de bon augure : malgré une expérience désormais conséquente, la plupart des capital-investisseurs africains doivent en effet encore s’en remettre aux agences de développement pour boucler leurs fonds. Selon Tom Speechley, les souscripteurs habituels d’Abraaj sont essentiellement des privés : des institutions financières, des particuliers (très) fortunés, des fonds de pension… De quoi donner de l’espoir à toute une profession.

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