Soglo, Yayi, Kérékou : les « fils de » briguent le suffrage universel au Bénin
Le 26 avril, les électeurs choisiront leurs députés. Parmi les candidats, les fils de trois hommes qui se sont retrouvés à la tête du pays. Une situation inédite qui fait jaser à Cotonou.
Cette année, la bataille pour les législatives du 26 avril se résumerait presque à une lutte entre trois familles aux destins particuliers. À Cotonou, deux camps s’affrontent pour la 16e circonscription. D’un côté, Rosine Soglo, la femme de l’ancien président Nicéphore Soglo, tête de liste pour la Renaissance du Bénin (RB) ; elle est secondée par son fils Léhady, qui lui a succédé à la présidence du parti en 2010.
Face à eux, les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), une coalition de la majorité. Elles ont pour principaux candidats le ministre du Développement, Marcel de Souza, le beau-frère du chef de l’État, et Chabi Yayi, son fils cadet. Avec Modeste Tihounté Kérékou, qui lui se présente dans la 4e circonscription, ce sont les fils des trois présidents de l’ère démocratique – Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou et Thomas Boni Yayi – qui seront candidats fin avril.
Bien sûr, les Béninois se sont habitués à la présence de ces rejetons d’anciens présidents dans le paysage politique. Dans la famille Yayi, les enfants occupent déjà une place prédominante dans l’entourage du chef. Il y a Chabi, mais aussi Nasser, le secrétaire permanent du Conseil présidentiel de l’investissement, et Rachelle, qui travaille en étroite collaboration avec son père, gérant notamment son agenda.
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Chez les Soglo, avant Léhady, Ganiou a pendant longtemps fait les choux gras de la presse. Né en France, il a étudié la finance au Canada avant de rentrer au Bénin, de s’y faire élire député sous les couleurs de la RB puis d’accepter, en 2007, un poste de ministre – il a, depuis, quitté le gouvernement et s’est éloigné quelque peu du monde politique. Mais cette fois-ci, la situation dans la 16e circonscription – sur les cinq députés à élire, quatre pourraient venir d’une famille qui a un jour tenu les rênes du pays – ne plaît pas à certains, qui regrettent que l’on donne l’image d’une politique qui ne se résumerait qu’à une affaire de famille.
Un rejet que les candidats ont ressenti et qu’ils ont pris en compte. "Pour moi, la politique est d’abord un débat d’idées. Je ne suis pas en duel avec qui que ce soit. Je ne veux pas m’étendre plus qu’il ne faut sur des éléments anecdotiques qui n’intéressent personne", répond Léhady Soglo quand on l’interroge sur le duel de la 16e circonscription. Sollicité par J.A., Chabi Yayi n’a, pour sa part, pas répondu à notre demande d’entretien.
Parachuté
Des trois, Chabi Yayi est le dernier à se lancer dans l’arène. Est-ce pour cela que sa candidature est celle qui fait le plus polémique ? "Le fait qu’il ait été parachuté en deuxième position dans l’une des circonscriptions stratégiques pour sa première expérience politique a surpris. Des députés expérimentés avec plusieurs mandats derrière eux ont été mis de côté. Il y a eu des mécontents", explique un observateur avisé de la vie politique béninoise.
S’il s’est mis à la politique plus récemment, Chabi Yayi, 26 ans, est présent dans l’entourage de son père depuis son retour du Canada, où il a lui aussi étudié. En amont des législatives, il a même aidé le conseiller politique de Boni Yayi, Amos Elègbè, à définir la stratégie des FCBE. Responsable officieux de la communication du patron, il gère également ses relations avec la presse.
Comme il l’a fait avec bon nombre de candidats des FCBE, Boni a soutenu son fils, appelant notamment à voter pour lui lors d’un meeting le 12 avril. Mais, dans le contexte actuel, Chabi se serait presque passé de la proximité avec son père tant les oppositions au projet de révision constitutionnelle porté par la présidence cristallisent les rancoeurs.
"C’est son seul défaut. Car c’est un bon orateur au discours bien construit", estime une communicante. "Le meeting de lancement de sa campagne a créé la confusion", poursuit un cadre des FCBE. Ce jour-là, au premier rang, plusieurs directeurs généraux de sociétés publiques trônaient. Il n’en fallait pas plus pour que l’opposition l’accuse de faire campagne avec les moyens de l’État…
C’est le genre de polémique auquel Léhady Soglo, 55 ans, est habitué. Premier adjoint de son père à la mairie de Cotonou depuis 2003, il est parvenu à s’affranchir de l’encombrante tutelle paternelle. Non sans quelques difficultés. Lorsqu’il a succédé à sa mère à la tête du parti qu’elle avait créé en 1992, à l’époque où Nicéphore était au palais de la Marina, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer un passage de témoin par filiation et fustiger l’ascension de Léhady.
Se sentant floués et en désaccord avec la méthode, plusieurs cadres ont choisi de quitter le navire. Aujourd’hui encore, certaines figures de la RB lui imputent toujours le déclin de leur parti.
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Injustes
Ces critiques, l’intéressé les juge injustes tant s’imposer au sein même de sa famille fut pour lui ardu. "Peu m’importe que l’on pense que j’ai hérité du parti. Les choses n’ont pas été faciles pour moi : j’ai dû me battre, et mes parents ont été des professeurs exigeants. Ils m’ont testé", explique-t-il.
Ces mêmes parents, rappelle-t-il, ne l’ont pas soutenu dans la course à l’investiture pour la présidentielle de 2011 qui a vu Adrien Houngbédji lui être préféré pour défendre les couleurs de l’Union fait la nation (UN). Interrogé sur la tutelle de "Maman Rosine", le fils Soglo répond avec une pointe d’agacement : "J’aurais pu conduire la liste, mais elle a souhaité participer aux prochaines joutes électorales. Pourquoi nous priver de sa grande popularité ?"
Le cas de Modeste Tihounté Kérékou, 39 ans, est le plus singulier, celui qui suscite le moins la polémique. D’abord parce qu’il est moins connu, bien qu’il se présente pour la quatrième fois à une élection législative. Et qu’il concourt dans une circonscription moins visible que les autres. Peut-être aussi parce que son père, Mathieu, plus de vingt-huit ans de pouvoir dont dix-huit en tant que putschiste, a toujours veillé à séparer famille et politique.
C’est en 2003 que Modeste a décidé de se lancer en politique. Il a alors 28 ans et a regagné Cotonou deux ans auparavant, à la fin de ses études de commerce au Maroc. Quand il fait part de son intention à son père, ce dernier ne veut pas en entendre parler. "Il était absolument contre et préférait que j’opte pour une carrière de fonctionnaire international", raconte ce consultant en bonne gouvernance, ancien député et ministre de la Jeunesse et des Sports.
Pourquoi ? Modeste Kérékou l’ignore toujours. "Mon père parle peu. Il ne m’a pas donné de raisons précises." Il faudra toute l’entremise de son grand frère, alors patron de la garde présidentielle, et de plusieurs de ses proches conseillers pour que celui qui est alors président du Bénin finisse par accepter la vocation de son fils.
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