Mauritanie : au-delà des chants du désert
Appelées "flash", les clés USB et les mini-cartes mémoire sont les supports les plus utilisés pour stocker, diffuser et partager des sons en Mauritanie.
Connectées à un téléphone portable, à une mini-enceinte, à un transmetteur relié à l’allume-cigare de la voiture, les oeuvres musicales se diffusent rapidement au sein de la population par un simple transfert de fichiers, provoquant, en quelques semaines, le succès populaire de certaines chansons. Des vendeurs et artisans liés aux milieux artistiques deviennent des "diffuseurs" de musique.
Dans leurs boutiques, des enceintes émettent les derniers tubes d’artistes locaux et sous-régionaux. Le propriétaire peut ainsi transmettre les sons dans la flash du client.
Alors que YouTube est devenu le moyen le plus utilisé pour écouter de la musique en Europe et une possibilité de monétiser les clips, cette plateforme perce doucement en Mauritanie. Rares sont les clips mauritaniens atteignant les 50 000 vues sur YouTube. Deux exceptions toutefois : Leila Moulay et Hamzo Bryn. Leurs clips respectifs Mourabitounes et It Started from Nouakchott sont des ovnis mauritaniens : ils dépassent les 200 000 vues.
Conçues à partir d’images nationales et accompagnées de quelques clichés bling-bling américains, ces vidéos ont réussi à susciter l’intérêt des internautes et d’une jeunesse en manque d’ouverture sur le monde. Les télévisions et radios mauritaniennes nationales et privées ne consacrent qu’une infime partie de leurs programmes à la musique.
Quelques rediffusions de concerts de musique traditionnelle et de la culture maure sont présentées, sans payer, ou très rarement, de droits d’auteur aux artistes ! Seuls les concerts sont susceptibles de permettre aux artistes mauritaniens de vivre de leur art, s’ils parviennent à obtenir l’assurance d’un cachet… Les musiciens et chanteurs traditionnels sont prisés pour l’animation d’événements familiaux, pour lesquels des contrats conclus oralement peuvent atteindre des sommes importantes.
Ces manifestations sont inaccessibles pour les artistes de musiques actuelles. Rares sont les salles de concert en Mauritanie, encore plus rares celles respectant leurs engagements. Le plus souvent, ils doivent créer leurs propres événements et frapper à la porte des festivals (Festival des villes anciennes, Assalamalekoum…), des coopérations internationales ou des entreprises privées, notamment les opérateurs téléphoniques.
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Avec des moyens techniques faibles, les concerts se déroulent majoritairement en playback. Les artistes et le public se sont habitués à cette pratique. Même lorsque les moyens sont renforcés et qu’une équipe technique compétente assure la manifestation, la majorité des groupes ne se produit pas en live. Il n’est pas rare qu’un artiste monte sur scène sans même prendre de micro factice. Les spectateurs patientent alors jusqu’à leur chanson préférée, celle qu’ils possèdent dans leur flash, puis désertent le lieu de l’événement.
Cette malheureuse habitude du playback diminue l’intérêt du concert, pourtant l’un des seuls espaces où l’artiste peut être rémunéré. Les musiciens et chanteurs mauritaniens doivent parvenir à améliorer leur image et leur ouverture vers l’international. Internet est le meilleur moyen d’y parvenir. Alors qu’Universal décèle de nouvelles possibilités économiques dans les pays africains, l’élargissement de la création musicale mauritanienne nécessite une visibilité passant par la création de comptes YouTube et Facebook en y intégrant des clips de qualité, des visuels travaillés, des textes percutants.
La Mauritanie ne possède aucune école d’art, aucun grand studio de musique, aucune véritable agence de graphisme, c’est avec l’aide de toutes les bonnes volontés – mauritaniennes, diaspora (saluons notamment la radio libre RapRim Radio), internationales – que cette situation pourra s’inverser !
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