Burundi : Nkurunziza, tout foi tout flamme
Obama lui fait les gros yeux, l’Union européenne le critique, sa candidature est contestée au sein de son propre parti ? Il n’en a cure. Cet évangélique ne se fie qu’à sa bonne étoile.
Burundi, le grand saut
Législatives, communales, présidentielle, sénatoriales, collinaires… Le pays va se lancer, fin mai, dans un marathon électoral qui s’achèvera en août. Et le climat est tendu.
Alors que le scrutin du 26 juin avance à grands pas, Pierre Nkurunziza a l’air bien sûr de lui. Il n’est même pas encore candidat qu’il fait déjà figure de favori. Et ce ne sont pas les appels toujours plus pressants lancés depuis son pays par l’ensemble de la société civile, par le clergé catholique et par une grande majorité de la classe politique, jusque dans son propre camp, qui vont le pousser à renoncer à un troisième mandat.
Aux manifestations organisées dans les rues de Bujumbura par la société civile, comme aux pétitions qui circulent au sein de son parti, le chef de l’État se contente d’opposer une "fin de non-recevoir". Seul contre tous, Pierre Nkurunziza semble défier le monde entier. Jusqu’à son homologue américain, Barack Obama, qui lui a plusieurs fois fait les gros yeux ces derniers mois, ou l’Union européenne, qui, début mars, a confirmé son opposition de principe à sa tentative de briguer un nouveau mandat.
Une assurance à toute épreuve qui, pour certains, ressemble fort à de la provocation. À moins que cet évangélique born again ne croie tout simplement en sa bonne étoile. Celle qui lui a permis, pendant les années de rébellion, de coiffer au poteau des officiers aux états de service bien plus fournis que les siens pour prendre les rênes du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) et de négocier en son nom l’accord d’Arusha, en 2000.
Après dix ans à la tête de l’État et malgré les tensions grandissantes, il n’entend pas abandonner son fauteuil. Esprit de compétition ? Sans doute, pour ce sportif invétéré qui n’hésite pas à laisser ses ministres en plan le mercredi soir pour aller mener l’attaque de son Alleluia Football Club.
Faux naïf
En attendant d’avoir le droit pour lui, Pierre Nkurunziza espère toujours pouvoir compter sur le soutien indéfectible des campagnes, où vit plus de 80 % de la population. En multipliant les visites de terrain et en distribuant à tout-va sacs de riz et de haricots à des Burundais qui se serrent la ceinture, le président a assis sa popularité dans les collines.
Il n’a rien à voir avec l’image de marionnette manipulée par un quarteron de généraux affairistes dont on l’affuble volontiers.
Avec un brin de populisme, comme lorsqu’il se mêle aux paysans le temps des travaux collectifs du samedi matin, dans un survêtement noir dernier cri qui lui donne des airs de gangsta. Tous derrière et lui devant. Au point parfois de donner l’impression de ne pas toujours bien contrôler ses ouailles.
"C’est un faux naïf. Il sait très bien ce qui se passe dans le pays", objecte un diplomate en poste à Bujumbura. Rien à voir, donc, avec l’image de marionnette manipulée par un quarteron de généraux affairistes dont on l’affuble volontiers.
À preuve, en novembre, il n’a pas hésité à écarter deux membres de sa garde rapprochée, Alain Guillaume Bunyoni, son chef de cabinet civil, et le très controversé Adolphe Nshimirimana, chef des services de renseignements. Un limogeage de façade selon les observateurs, mais qui a permis au président du CNDD-FDD de donner suffisamment de gages à l’opposition grandissante au sein de son parti et d’assurer l’union sacrée autour de sa personne, à quelques semaines de la désignation officielle du candidat de la majorité.
Car c’est "le parti qui décidera", comme ne cesse de le répéter le chef de l’État lui-même ces dernières semaines, tout en donnant rendez-vous en avril pour le congrès du CNDD-FDD. À moins que, d’ici là, les "vénérables" de la Cour constitutionnelle n’en décident autrement.
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