Le modèle burundais à l’épreuve
Trop souvent, l’histoire du génocide des Tutsis au Rwanda, telle que racontée par les grands médias occidentaux, se focalise exagérément sur son « élément déclencheur » : l’attentat du 6 avril 1994.
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Pierre Boisselet
Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il écrit plus particulièrement sur l’Afrique du Sud, la RD Congo et le Rwanda. Anglophone, il s’intéresse aussi aux relations entre les États-Unis et l’Afrique, aux nouveaux « mouvements citoyens » du continent ainsi qu’à la Francophonie.
Publié le 21 avril 2015 Lecture : 2 minutes.
Burundi, le grand saut
Législatives, communales, présidentielle, sénatoriales, collinaires… Le pays va se lancer, fin mai, dans un marathon électoral qui s’achèvera en août. Et le climat est tendu.
Cette version simplificatrice fait l’impasse sur la succession d’événements qui, depuis l’indépendance, ont progressivement amené le pays des Mille Collines au bord de l’abîme. Et, au passage, elle maintient dans l’ombre ce jumeau démographique, linguistique et culturel du Rwanda qu’est le Burundi. L’histoire de ces deux pays est intimement liée, pour le meilleur et pour le pire.
En 1993, l’assassinat du président hutu du Burundi, Melchior Ndadaye, provoque une onde de choc dans toute la région. Au Rwanda, où de nombreux Hutus burundais souvent traumatisés s’exilent immédiatement, il affaiblit un peu plus le fragile équilibre politique issu des accords d’Arusha, signés en août de la même année. Ceux-ci volent en éclats avec l’attentat du 6 avril 1994, dans lequel meurent les présidents des deux pays : Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira.
De l’autre côté de la frontière, le Burundi se déchire également dans une guerre civile ultraviolente qui, pendant plus d’une décennie, opposera les Hutus aux Tutsis, faisant des centaines de milliers de victimes. Cet héritage aurait pu secréter la même idéologie politique qu’au Rwanda, où les anciennes identités "ethniques" sont désormais bannies des statistiques et des discours publics, au profit de la construction d’une nouvelle identité nationale.
Le Burundi s’est choisi une autre voie : celle de la reconnaissance officielle des identités hutues, tutsies et twas, assortie d’une répartition constitutionnelle des postes entre ces différentes composantes. Depuis l’accord de paix de 2005, ce système a permis d’atténuer les clivages ethniques. Des alliances qui les transcendent se sont formées et des divisions se sont fait jour au sein de ces groupes.
Même s’il n’est pas encore scellé, le rapprochement entre Charles Nditije (issu d’un parti tutsi) et Agathon Rwasa (ancien chef d’une rébellion hutue), tend à pérenniser cette logique providentielle. Pourtant, à mesure que la campagne présidentielle approchera, avec son lot de tensions, qui peut prédire que les fantômes du passé ne risquent pas de ressurgir ?
Plus encore que le résultat, c’est donc le bon déroulement du scrutin que guettent tous les observateurs étrangers. Après tout, le Burundi se lance cette année dans l’inconnu. Jamais, dans son histoire, ce pays n’a connu de transition démocratique réussie au sommet de l’État. Et rarement la pression pour que le sortant s’en aille n’a été aussi forte à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Le 26 juin, toute la région des Grands Lacs aura les yeux rivés sur Bujumbura.
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