Tunisie : tapis rouge pour la démocratie

La visite de Béji Caïd Essebsi à Paris a été marquée par des honneurs exceptionnels. Les deux pays peuvent maintenant envisager une nouvelle amitié. En attendant que les promesses d’aide se concrétisent.

e président tunisien s’est vu remettre les insignes de docteur honoris causa à l’université P © Ons Abid

e président tunisien s’est vu remettre les insignes de docteur honoris causa à l’université P © Ons Abid

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 17 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

La visite d’État en France de Béji Caïd Essebsi, les 7 et 8 avril, devait sceller les retrouvailles entre Paris et Tunis et dissiper de récents malentendus. C’est chose faite, avec éclat. Le président tunisien peut se targuer d’avoir été reçu comme bien peu de chefs d’État l’ont été avant lui.

Cérémonie d’accueil grandiose à l’hôtel des Invalides, dépôt de gerbes sur la tombe du soldat inconnu, sous l’Arc de triomphe, entretiens à l’Élysée, à Matignon, au palais Bourbon (Assemblée nationale) et au palais du Luxembourg (Sénat), réception à l’Hôtel de Ville de Paris, dîner d’État offert par François Hollande. Pour l’occasion, "la plus belle avenue du monde", les Champs-Élysées, avait été décorée aux couleurs de la Tunisie.

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Cerise sur le gâteau, Hollande a tenu à saluer une dernière fois son hôte, avant son départ, en se rendant à l’ambassade, rue Barbet-de-Jouy, pour se mêler à la rencontre avec les représentants de la communauté franco-tunisienne.

Symboles

"Un accueil royal ! On n’avait pas vu pareil déploiement de faste depuis la venue du numéro un chinois, Xi Jinping", souffle un habitué des voyages officiels. Pour la Chine, l’enjeu était aisé à saisir – 18 milliards d’euros de contrats en perspective et un géant émergent à ménager.

Pour la "petite Tunisie", 130 fois moins peuplée et infiniment moins riche, une telle sollicitude peut surprendre. D’autant que d’économie, il n’a pratiquement pas été question, hormis quelques promesses d’appui, formulées en termes assez consensuels, et une conversion de dette en investissements d’un montant jugé presque dérisoire (60 millions d’euros).

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En réalité, comme l’a expliqué Hollande, il s’agissait d’honorer la démocratie, de célébrer la transition amorcée au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011, dont l’achèvement et la réussite sont symbolisés par l’élection de Béji Caïd Essebsi, le 21 décembre 2014.

Même si les mots ont tendance à être galvaudés, c’est donc bien une nouvelle ère qui s’ouvre, marquée par la fin de la relation postcoloniale et par l’établissement de rapports de démocratie à démocratie. Deux démocraties unies par les mêmes valeurs et confrontées à un même péril meurtrier : le terrorisme.

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Le point d’orgue du voyage restera la réception organisée le 7 avril à la prestigieuse université Panthéon-Sorbonne (Paris-I), celle-là même où "BCE" a accompli sa formation de juriste, il y a soixante-trois ans. Le président tunisien s’est vu remettre les insignes de docteur honoris causa. Il est le deuxième chef d’État en exercice, après le Sénégalais Léopold Sédar Senghor (en 1961), à être honoré de la sorte.

Cette profusion de symboles flatteurs ne saurait cependant occulter le volet politique de la visite. BCE, à chacune de ses interventions, a distillé des messages, souligné la différence entre islam et islamisme et invité les Tunisiens de France – qui sont aussi, dans leur grande majorité, des citoyens français – à "respecter sans réserve les lois de la République", dans une allusion transparente au débat récurrent sur la laïcité.

Ni lui ni Hollande n’ont en revanche voulu s’étendre sur l’éventualité de la conclusion imminente d’un contrat tripartite de fourniture d’armement français destiné à l’armée tunisienne et financé par les Émirats arabes unis.

La Tunisie, qui sera l’invitée du prochain G7, organisé en Allemagne, espère la concrétisation de certaines promesses d’aide et d’investissement formulées lors d’un précédent G8, celui de Deauville, et restées lettre morte. Pour cela, elle aura besoin de l’appui de la France, qui semble disposée à jouer ce rôle d’intercession. "Il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu", a prévenu le président tunisien, citant saint Thomas d’Aquin.

Comprendre : sans prospérité, l’enracinement démocratique restera frappé du sceau de la précarité. 

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