Football africain : Issa Hayatou « forever »
Même après vingt-huit ans de mandat, le président de la Confédération africaine de football ne cède pas un pouce de terrain. De la CAN 2017 au comité exécutif de la Fifa, aucune décision ne lui échappe.
Rien à dire. Ces deux-là s’entendent à merveille.
Entre Sepp Blatter, à la tête de la Fifa (Fédération internationale de football association) depuis 1998, et Issa Hayatou, président de la CAF (Confédération africaine de football) depuis 1987, c’est à qui lancera le plus de fleurs à l’autre. L’esprit de corps certainement, et une bonne dose de pragmatisme politique pour ces deux hommes jadis ennemis, mais que les critiques incessantes et les ambitions ont rapprochés à l’extrême.
Bons procédés
Treize ans après avoir lui-même affronté Blatter dans la course à la présidence de la Fifa, le Camerounais soutient la candidature du Suisse à un quatrième mandat à la tête de l’instance dirigeante du football mondial.
Dans son discours d’ouverture de la 37e assemblée générale ordinaire de la CAF, les 7 et 8 avril au Caire, Issa Hayatou a été droit au but dans la perspective de l’élection du 29 mai : "Il reste l’homme de la situation. Cher Sepp, l’Afrique est à l’aise avec vous. Et reste avec vous !" Simple échange de bons procédés entre gentlemen.
Originaire de Garoua, dans le nord du Cameroun, ce fils de bonne famille musulmane retombe toujours sur ses pieds.
Dans une récente édition du Fifa Weekly, le magazine de l’instance basée à Zurich, Sepp Blatter vante la "vitalité" du football africain et couvre de louanges le patron de la CAF. "Le mérite de ce développement revient aussi à Issa Hayatou", écrit-il, avant de chanter "son habileté stratégique" et "son sens des relations politico-sportives". Tout est dit. Les ennemis de Hayatou auraient employé d’autres mots, moins diplomatiques, mais ils ne l’auraient pas décrit autrement.
Ce sont cette "habileté" et ces "relations", notamment avec un certain nombre de chefs d’État africains, qui lui permettent de régner sur le football continental depuis vingt-huit ans et qui l’ont mené au sommet de la Fifa, dont il est le numéro deux ("vice-président senior") depuis six mois. Originaire de Garoua, dans le nord du Cameroun, ce fils de bonne famille musulmane retombe toujours sur ses pieds.
Son opposition à Blatter en 2002 aurait pu sonner le glas de ses ambitions ; c’est tout le contraire qui s’est produit. Quant aux accusations de corruption, lancinantes depuis quelques années, surtout depuis que la Coupe du monde 2022 a été attribuée au Qatar dans des conditions troubles, elles glissent sur lui comme l’eau sur la peau d’un crocodile.
Chef de village
De fait, ses ennemis ne le restent jamais très longtemps. "Il dirige la CAF comme un chef de village, glisse un fin connaisseur du football africain. Il écrase toute contestation. Mais avec lui, on n’est jamais définitivement mort. Il sait accorder son pardon." Ainsi, il a le pouvoir de faire et de défaire des ambitions. Ses alliés d’hier, l’Algérien Mohamed Raouraoua et l’Ivoirien Jacques Anouma, l’apprennent à leurs dépens aujourd’hui.
Le règne d’Issa Hayatou n’a aujourd’hui plus aucune limite.
Ils ne représentent plus le continent au comité exécutif de la Fifa. Le premier, sûr de sa défaite, n’était pas candidat à sa succession. Le second a été battu le 8 avril par deux proches de Hayatou : le Tunisien Tarek Bouchamaoui et le Congolais Constant Omari. Nombre d’observateurs expliquent aussi le choix du Gabon, dans des conditions opaques, comme pays d’accueil de la Coupe d’Afrique des nations 2017, au détriment de l’Algérie, pourtant grande favorite, par la disgrâce de Raouraoua.
Le règne d’Issa Hayatou n’a aujourd’hui plus aucune limite. Et, à vrai dire, pas vraiment d’oppositions en dépit des critiques qu’il suscite, depuis longtemps dans les pays anglophones, depuis peu au Maghreb. En 2012, il avait fait modifier les statuts de la CAF pour empêcher Anouma de se présenter face à lui. Seuls cinq présidents de fédération s’y étaient opposés.
Cette année, c’est à l’unanimité que les 54 présidents ont fait sauter la règle qui limitait à 70 ans l’âge des dirigeants de cette institution. Il était temps : Hayatou en a 69.
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