Pourquoi la Tunisie est une et indivisible

Aïssa Baccouche est sociologue et urbaniste.

Le peuple tunisien est soudé par les liens de l’histoire. © Christophe Ena/AP/SIPA

Le peuple tunisien est soudé par les liens de l’histoire. © Christophe Ena/AP/SIPA

Publié le 17 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

À l’ère de la mondialisation, peut-on encore parler de régions à l’échelle d’un pays comme la Tunisie, dont la superficie n’excède guère le dixième de celle de chacun des deux pays qui la bordent à l’Est et à l’Ouest ? Certes, il n’est pas politiquement correct de ne pas ponctuer quelque discours de référents à connotation régionale. Cela fait désormais partie de la panoplie des demandes "d’en bas", selon les forts en thème qui sévissent sur les plateaux de nos médias. Honni soit qui ne s’y plie pas.

Mais qu’est-ce qu’on entend par "région" ? Est-ce le territoire d’un gouvernorat où celui de plusieurs gouvernorats ? Est-ce l’aire géographique d’un peuplement formé par les liens du sang ? Est-ce le conglomérat de villes et de villages d’une entité aux caractéristiques "agronomiques" communes (plaine, forêt, steppe…) ?

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Notre pays est si riche du point de vue géomorphologique qu’une telle délimitation serait une entreprise hasardeuse, voire risquée.

L’on a entendu lors des dernières joutes électorales des diseurs de bonne aventure nous décrire la carte de la Tunisie en multicouches, comme à la découpe d’une bête immolée. Des régions, promettent-ils, qui contenteraient tout le monde. On tracerait des lignes droites qui partiraient des frontières occidentales et qui aboutiraient aux rivages du littoral. Et l’on aurait au final un ersatz de mille-feuilles qui ravirait nos concitoyens, ébahis devant cet aménagement tiré au cordeau.

L’aménagement, c’est précisément le maître mot quand on parle de territoire. C’est le chaînon manquant dans la litanie des prêcheurs d’un développement régional équitable ou à tout le moins équilibré. Or l’aménagement du territoire est global ou n’est pas. Tenir compte des spécificités locales, certes, mais ne jamais perdre de vue l’harmonie générale du plan de développement de l’ensemble du territoire national.

Devise de l’Ifriqiya : concorde, joie de vivre et tolérance.

Un plan, au sens économique, est, comme nous l’a appris Pierre Massé, un réducteur d’incertitudes et, oserons-nous ajouter, un synthétiseur des attentes exprimées çà et là, et un modulateur des espoirs légitimes nourris par tout un chacun à travers un pays dont les contours ont été tracés au XVIIe siècle.

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Au demeurant, le peuple tunisien, plus que les peuples voisins, est soudé par les liens de l’Histoire. Celle-ci fut souvent mouvementée, voire violente. Mais par-delà ses vicissitudes, elle a forgé une identité à nulle autre pareille. Loin d’être meurtrière, comme l’appréhendait Amin Maalouf, elle est nourrie aux valeurs de l’humain.

À l’image de l’olivier, emblème de la paix, du palmier droit sur son pied et du figuier porteur de douceur, l’Ifriqiya, bien qu’amputée du Constantinois et de la Tripolitaine, est la terre des hommes et des femmes dont la devise est le triptyque : concorde, joie de vivre et tolérance "Tolère, tu es né pour cela, car toi aussi tu auras un jour besoin d’indulgence", nous haranguait déjà notre concitoyen saint Augustin.

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Forts de ces propos galvanisants, les Tunisiens comptent bien vivre ensemble où qu’ils se trouvent dans cette partie septentrionale de l’Afrique baignée par la Méditerranée.

La Tunisie est assez vaste pour contenir les 11 millions d’âmes qui y vivent. Elle est cependant trop compacte pour être subdivisée en régions. Sauf pour des raisons éminemment administratives. La décentralisation, telle qu’elle vient d’être consacrée dans la Constitution de la IIe République, implique nécessairement une nouvelle ramification du territoire.

On pourrait imaginer la création de nouveaux gouvernorats, comme Djerba, Jbeniana, Souassi, Sbeitla, Makthar ou Menzel Temime. On pourrait également envisager la création de plusieurs communes et tendre vers la municipalisation intégrale, comme c’est le cas depuis 1985 dans le gouvernorat de Monastir.

On pourrait, enfin, inciter les communes et les départements à créer des groupements de proximité qui serviraient de socle à la déconcentration des services de l’État et à une coordination efficiente des interventions des collectivités locales en matière de salubrité publique.

Quant au maillage du pays, qu’il me soit ici permis de rappeler que j’ai eu le privilège d’en exposer les grandes lignes dans ces colonnes (J.A. n° 2538).

Enfidha, capitale à l’horizon 2030 ? Mais quid de Tunis, la bien gardée – (el-mahroussa) ? Eh bien elle serait, comme pour toute région de l’importance du territoire tunisien, une métropole qui illuminerait, comme jadis Alger, Tanger, Barcelone, Marseille et Rome, le versant occidental de la Mare Nostrum.

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