À la tête de l’Union africaine, Robert Mugabe en profite pour plaider ses causes dans le monde entier

De retour sur le devant de la scène internationale depuis qu’il occupe la présidence tournante de l’Union africaine, le chef de l’État zimbabwéen, Robert Mugabe, multiplie les voyages et profite de toutes les tribunes pour faire valoir ses idées. Après des arrêts remarqués en Algérie et Afrique du Sud, le voilà à Jakarta en Indonésie pour le sommet Asie-Afrique. Jusqu’où ira-t-il et pourquoi ?

L’arrivée de Robert Mugabe à Jakarta en Indonésie, le 21 avril 2015. © Tatan Syuflana/AP/SIPA

L’arrivée de Robert Mugabe à Jakarta en Indonésie, le 21 avril 2015. © Tatan Syuflana/AP/SIPA

Publié le 24 avril 2015 Lecture : 5 minutes.

Robert Mugabe a soufflé ses 91 bougies le 21 février dernier. Pourtant, son âge vénérable ne freine pas ses ardeurs, surtout depuis sa nomination à la tête de l’Union africaine (UA), fin janvier 2015.  En moins de trois mois, le chef d’État zimbabwéen a déjà parcouru des milliers de kilomètres en avion, entre le Japon, la Namibie, l’Algérie, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Éthiopie et l’Indonésie où il copréside cette semaine le sommet Asie-Afrique.

Peu importe le décor, il ne rate jamais une occasion de marteler ses convictions. L’Asie et l’Afrique "ne doivent plus être cantonnés dans le rôle d’exportateurs de produits de base et d’importateurs de produits finis", a-t-il déclaré le 22 avril devant une vingtaine de chefs d’État réunis à Jakarta. Contrôle des ressources naturelles et anti-impérialisme : deux combats qu’il entend bien mener au fil de ses nombreux périples des neuf prochains mois. Président de l’Union africaine, président de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et président du Zimbabwe…Les multiples casquettes que le vieux loup de la politique a réussi à caler en même temps sur sa tête ne semblent pas l’encombrer. Bien au contraire.

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La stratégie de Robert Mugabe

En tant que président de l’UA, Robert Mugabe n’aura pas particulièrement d’influence pour changer le continent. Dans l’institution panafricaine, c’est la Commission de l’Union africaine, présidée par Nkosazana Dlamini-Zuma, qui fixe les grandes orientations. Ce qui ne l’empêchera pas d’exploiter son rôle symbolique pour asseoir son leadership sur le continent. "Il est très plausible que Robert Mugabe se serve de son rôle à la tête de la SADC et de toutes les tribunes offertes par l’UA afin de se repositionner comme une icône panafricaine", croit le spécialiste en politique étrangère et diplomatie, le Zimbabwéen Noah Manyika.

Surtout, sa position de représentant de l’Afrique va lui permettre de rouvrir le dialogue avec l’Europe, avec qui il entretien de conflictuelles relations depuis le début des années 2000. "En augmentant son leadership régional et continental, il pourrait éventuellement réussir à obtenir la levée totale des sanctions européennes contre lui et son pays", analyse Dimpho Motsamai, chercheuse à l’Institute of Security Studies de Pretoria en Afrique du Sud. Déjà en février dernier, l’Union européenne a octroyé une enveloppe de 234 millions d’euros sur six pour soutenir le Zimbabwe.

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Redorer le blason et booster l’économie de son pays

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Des millions d’euros, dont le chef d’État du Zimbabwe a bien besoin. L’économie de son pays est plongée dans une crise profonde depuis des années. Pour s’en sortir, Mugabe profitera de toutes les tribunes pour tenter d’attirer les investisseurs étrangers. Un premier pas a été réalisé début avril lors d’une visite d’État historique de deux jours en Afrique du Sud, une première depuis 20 ans.

Le but ? Normaliser les relations entre les voisins, qui s’étaient envenimées par le passé en raison, entre autres, d’une réforme agraire dévastatrice pour l’économie et du flot de réfugiés zimbabwéens venus trouver une terre d’asile au pays de Mandela. Pour redonner vie aux secteurs de l’agriculture, des mines, des banques et des finances, celui qui gère le pays d’une main de fer depuis 35 ans doit trouver des partenaires financiers. Mais pas seulement. Mugabe doit aussi pouvoir compter sur des ressources en énergie afin d’exploiter le secteur minier. Il pourrait ainsi fouler le sol du Nigeria, de l’Angola et du Mozambique pour "tenter de conclure des partenariats de production d’énergie", croit l’analyste Dimpho Motsamai.

La santé économique de son pays n’est pas son seul cheval de bataille. Robert Mugabe souhaite peser lourd sur le continent pour gagner en crédibilité sur la scène internationale. Il prône par exemple le retrait de l’Afrique de la Cour pénale internationale et le rééquilibrage du Conseil de sécurité des Nations unies. Sa croisade contre la domination de l’Occident à l’ONU devrait l’amener en Inde prochainement, pays qui bataille pour obtenir un siège. Un message qu’il portera également lors de la prochaine Assemblée des Nations unies en septembre à New York, grâce à son chapeau de président de l’Union africaine.

Un agenda chargé au cours des prochains mois

Son itinéraire des prochains mois sera dessiné par les invitations de ses homologues, les réunions de l’Union africaine et les différents sommets internationaux. Sa prochaine destination pourrait bien être le Congo-Brazzaville. Selon The Herald, Robert Mugabe a été invité par le président congolais Denis Sassou Nguesso à l’ouverture d’une conférence internationale sur l’environnement qui portera, entre autres, sur la problématique du braconnage.

Robert Mugabe pourrait aussi visiter d’autres pays, qui partagent, tout comme lui, des relations compliquées avec l’Occident, comme il l’a fait en Algérie.

À l’extérieur de l’Afrique, celui qui est ostracisé par les Occidentaux depuis belle lurette savourera sa revanche… Son interdiction de voyage en Europe, effective depuis 2002, sera levée lors de ses déplacements sur le sol européen au titre de président de l’UA. Un pied de nez qui jettera assurément un froid lors des poignées de main officielles du G7 en Allemagne en juin ou à la Conférence sur le climat à Paris en décembre.

Ses appuis en Afrique

Impopulaire en Occident, Robert Mugabe continue de recevoir un fort soutien africain lors de ses nombreux déplacements sur le continent : il demeure le héros de l’indépendance zimbabwéenne. Il a longtemps incarné, au même titre que Nelson Mandela, la libération du peuple africain de la domination blanche. Le président zimbabwéen, souvent qualifié de dictateur, "tient des propos que plusieurs leaders africains soutiennent mais ne peuvent pas se permettre publiquement", soutient Noah Manyika. Bref, Robert Mugabe dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas. Pour l’instant, ce n’est pas un Robert Mugabe à l’état de santé fragile qui parcourt le globe… mais un président bien décidé à défendre l’indépendance de son continent.

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