L’Europe et l’Afrique face aux drames de l’immigration en Méditerranée

Après le naufrage d’un bateau de migrants en Méditerranée dans la nuit de samedi à dimanche qui aurait fait près de 700 morts, l’Union européenne envisage prochainement un sommet extraordinaire, tandis que l’Union africaine semble une nouvelle fois complètement aphone sur le sujet.

Capture d’écran d’une vidéo fournie par les garde-côtes italiens. © AFP

Capture d’écran d’une vidéo fournie par les garde-côtes italiens. © AFP

Publié le 20 avril 2015 Lecture : 4 minutes.

Mis à jour à 15h56.

Près de 700 morts ?

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Et si c’était le drame de trop ? Un nouveau chalutier a fait naufrage dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 avril dans les eaux libyennes. Dimanche soir vers 22h00 (20h00 GMT), le bilan officiel était de 24 morts et 28 rescapés, ont annoncé les garde-côtes italiens, qui coordonnent les secours.

Mais il risque d’être beaucoup plus lourd à mesure que le temps passe. Des survivants, cités par le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), ont fait état de la présence de 700 personnes à bord du bateau. Le parquet de Catane (Sicile) a indiqué de son côté dimanche soir qu’un de ces 28 survivants, qu’elle a pu interroger, avait mentionné la présence de 950 personnes à bord du chalutier, dont une cinquantaine d’enfants et quelque 200 femmes.

Originaire du Bangladesh, et transporté à l’hôpital de Catane, il a affirmé que les trafiquants avaient enfermé une grande partie des migrants dans les cales sans possibilité pour eux de s’échapper, selon un communiqué du parquet de la ville.

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Les garde-côtes italiens, qui coordonnent les secours, ne confirment aucun de ces chiffres, mais précisent que ce chalutier de 20 mètres de long "a la capacité de transporter plusieurs centaines de personnes".

Dans la nuit de samedi à dimanche, le chalutier a lancé un appel au secours reçu par les garde-côtes italiens, qui ont aussitôt demandé à un cargo portugais de se dérouter. À son arrivée sur place, à environ 120 milles (220 km) au sud de l’île italienne de Lampedusa, l’équipage du cargo a vu le chalutier chavirer. C’est probablement quand les centaines de migrants se sont précipités du même côté en voyant le cargo que le drame s’est produit, ont indiqué les garde-côtes italiens.

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Une importante opération de secours a été mise en œuvre, avec le concours de quelque 18 navires des marines italienne et maltaise notamment, dès réception de l’alerte vers minuit (22H00 GMT).

L’UE critiquée

Chaque jour, entre 500 et 1 000 personnes sont récupérées par les garde-côtes italiens ou des navires marchands. Plus de 11 000 l’ont été en une seule semaine, selon les garde-côtes.

Sans tenir compte de cette nouvelle tragédie, plus de 900 migrants ont perdu la vie depuis le début de l’année en effectuant la traversée entre la Libye et l’Italie, contre moins de 50 sur la même période l’année dernière, quand l’opération italienne de surveillance et de sauvetage Mare nostrum était encore en place, ont relevé cette semaine les organisations humanitaires.

Plusieurs organisations internationales et humanitaires ont dénoncé l’incurie de l’UE. "Il faut une opération Mare nostrum européenne", a ainsi réclamé le HCR. Cette dernière a été remplacée cette année par Triton, une opération de surveillance des frontières beaucoup plus modeste dans ses objectifs et son financement (2,9 millions d’euros par mois de budget abondés par l’Europe contre 9 millions apportés par l’Italie précédemment) et ses moyens (deux avions, un hélicoptère, sept navires et soixante-cinq officiers) et dont le rôle se réduit à la surveillance des frontières.

Un sommet à Bruxelles ?

L’Union européenne a annoncé dimanche qu’elle allait réunir ses ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur pour prendre des mesures et qu’elle envisageait un sommet extraordinaire.

"Je vais poursuivre les discussions avec les dirigeants européens, la Commission et le service diplomatique de l’UE sur la façon de remédier à la situation", a écrit sur son compte Twitter le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui, a précisé son porte-parole à l’AFP, prendra "une décision sur la possible organisation d’un sommet extraordinaire, après ces consultations".

Le chef du gouvernement italien Matteo Renzi a de son côté réclamé dimanche la réunion, avant la fin de la semaine prochaine, d’un sommet européen sur ce sujet. "On ne parle pas de choses banales, mais bien de la vie humaine", a-t-il déclaré.

>> Lire aussi : au moins 400 migrants africains disparus, selon des survivants

La responsable de la diplomatie de l’UE, l’Italienne Federica Mogherini, a pour sa part décidé de mettre cette question à l’ordre du jour de la réunion des ministres des Affaires étrangères lundi à Luxembourg. Face à "une accélération" des drames depuis le début de l’année, "nous devons agir", a déclaré dimanche le président français François Hollande, indiquant avoir parlé avec Matteo Renzi.

Ainsi la chef de la diplomatie de l’UE, l’Italienne Federica Mogherini, a annoncé que la question sera à l’agenda de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE lundi à Luxembourg. "Je vais présenter une série de propositions concernant la Libye, une des principales routes du trafic illégal de migrants", a-t-elle indiqué.

Les chefs de la diplomatie des 28 doivent notamment discuter de l’assistance éventuelle de l’UE à un gouvernement d’unité nationale actuellement en pourparlers en Libye, seule garantie à leurs yeux de stabilité et de réconciliation politique, et seul moyen d’endiguer le flot de migrants alors que les passeurs profitent du chaos ambiant.

L’union africaine aux abonnés absents

Quant à l’UA, comme lors des précédents drames de l’immigration en Méditerranée, notamment celui d’octobre 2013 au large de Lampedusa, elle semble faire comme si tout cela ne la concernait pas. Lundi, la présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a finalement condamné "un acte barbare et lâche", affirmant que les 53 pays membres de l’UA allaient redoubler d’efforts pour "la restauration d’institutions étatiques et de la sécurité en Libye". Bref, service minimum et déclaration de principe. À quand un grand sommet Afrique – Europe sur les problèmes de l’immigration ?

(Avec AFP)

 

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